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mardi 2 octobre 2018

Faut-il préparer ses vieux jours ?



Beaucoup de jeunes Français pensent qu'ils n'auront pas de retraite. La plupart de nos stagiaires en sont persuadées, ou voient ça de très loin. Pour elles, c'est surtout un privilège que l'on accorde aux générations nées jusqu'aux années 50. Et ensuite, tout partira en capilotade. Corollaire : elles finiront comme les fringants commerçants et artisans d'âge canonique mais encore actifs, dont raffole le JT de 13h de TF1. Le tout sera de conserver la santé jusque là. J'espère qu'elles mangent bio.

Avantage de cette idée, qui est peut-être la vôtre : paradoxalement, c'est un soulagement. Inutile de s'inquiéter pour les régimes de retraite. Partons du principe que nous payons juste pour les retraités actuels et que nous sortirons du cabinet les deux pieds devant. D'ici là, nous aurons travaillé de plus en plus pour compenser le gel de nos lettres-clés, avec des prises en charge de plus en plus lourdes qui auront absorbé notre élan vital, séance après séance. Version un peu plus joyeuse : nous trouverons une autre activité moins usante, qui nous permettra de durer. Le groupe Facebook "Orthophonie et reconversions" nous fournit déjà des pistes.


Évidemment, ce n'est pas le discours de ceux qui nous dirigent : ils disent qu'ils agissent pour pérenniser le modèle social généreux et solidaire que nous a légué le Conseil national de la Résistance, totem incontournable.

Alors qui a raison ? Pouvons-nous faire confiance à la CARPIMKO, qui se présente comme une institution sérieuse ? Si non, devons-nous travailler davantage pour épargner, afin de créer des revenus complémentaires ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle, au moins ? Comment mettre en place une retraite par capitalisation ? Faut-il s'en méfier ?

Je réfléchis à ces questions depuis mon installation en 1994, quand la glorieuse Armée française m'a rendu ma liberté. Voici donc l'état actuel de mes réflexions d'orthophoniste lambda, qui ont évolué au fil du temps. Dans ce premier article, j'analyserai le problème. Dans le suivant, je vous exposerai les solutions.

Commençons par la question de base qui ressemble aux "sondages" amusants du 12.45 de M6 (oui, j'ai une dent contre les JT français) :

La CARPIMKO est-elle un organisme digne de confiance ?

Je ne vous apprends rien : cette assurance obligatoire (et fière de l'être) vous ponctionne des sommes importantes. Il faut donc s'y intéresser, même si ce n'est pas votre grande passion. Vous avez sûrement remarqué que ses avis de prélèvements peuvent occasionner un sacré coup au moral. C'est aussi cette caisse qui vous assure l'hilarité, la pitié ou la commisération de vos interlocuteurs quand vous dites que vous avez 90 jours de carence en cas de maladie !



Mais revenons à la retraite, et tentons de comprendre comment la CARPIMKO fonctionne. Rassurez-vous, je vais faire court.

La Caisse Autonome de Retraite et de Prévoyance des Infirmiers, Masseurs Kinésithérapeutes, pédicures-podologues, Orthophonistes et orthoptistes a été créée en 1948 (source : Wikipedia). Elle existait donc avant la reconnaissance officielle de certains métiers, dont l'orthophonie.

Au départ, elle ne comportait qu'un régime de retraite : le régime de base. Il est maintenant géré par la CNAVPL, qui s'occupe des vieux jours de la plupart des professions libérales. La CARPIMKO n'est que le percepteur, à présent. Ce régime fonctionne comme l'URSSAF, avec des cotisations provisionnelles et des régularisations l'année suivante. C'est donc lui qui peut faire exploser les cotisations en fin d'année. Notons qu'il surtaxe les bas revenus : il prend 10,1 % de vos 39 228 premiers euros, mais seulement 1,87 % de ce qui dépasse (avec un plafond à 196 140 €). Malheureusement, la frontière entre ces deux taux monte tous les ans. Elle suit l'évolution de l'AMO du plafond de la sécurité sociale.

En 1955, une seconde couche de protection a été ajoutée : le régime complémentaire. Celui-ci reste directement géré par la CARPIMKO. Il comporte une cotisation forfaitaire qui augmente de manière sidérante chaque année. Actuellement, elle est à 1536 € par an. Il vous prend aussi 3 % de tout ce qui dépasse 25246 €, avec un plafond à 166 046 €.

Vous aurez remarqué que les plafonds sont idéalement situés : ils sont hors d'atteinte pour l'écrasante majorité des paramédicaux !

Enfin, en 1962, le régime des praticiens conventionnés a été créé. On l'appelle aussi "avantage social vieillesse" (ASV) parce que la sécurité sociale participe fortement à nos cotisations. Oui, nous avons des avantages sociaux ! Ce régime commence par vous prendre 192 € forfaitaires par an. La sécu y ajoute 384 €. Vous versez aussi 0,16 % de votre bénéfice. L'assurance maladie abonde de 0,24 %.

Le principe de l'ASV ressemble un peu aux avantages que peuvent avoir les salariés avec les chèques vacances ou l'épargne salariale, quand leur patron ajoute un abondement bien agréable. Le problème, c'est qu'en 2008, ce régime a failli faire faillite. Une réforme a été mise en place dans l'urgence, divisant par deux la valeur du point et attribuant trois fois moins de points qu'avant, pour chaque euro cotisé. Le rendement a donc été divisé par six, comme ça, d'un coup.
Cette catastrophe de 2008 nous a prouvé qu'aucune confiance ne pouvait être accordée à la retraite par répartition. D'autant qu'elle ne lésait que les actifs : les points acquis avant 2008 sont restés à l'ancien montant de 2,60 €, contre 1,20 € en 2009. Les retraités n'ont donc pas vu baisser leur pension.

C'est d'ailleurs un principe général : la valeur des points des trois régimes augmente sans cesse, comme les cotisations, alors que les lettres clés des cotisants restent bloquées. Les actifs sont les vaches à lait inépuisables du système. Il y a deux ans, je vous montrais déjà (voir ici) que pour un revenu de 30 000 € annuels, la CARPIMKO vous prenait 5 465 €, alors qu'elle se serait contentée de 3 592 € en 1990, inflation incluse ! Ceci mérite bien le retour de notre jovial ami barbu :

La CARPIMKO, c'est mieux que l'intégrale de Gad Elmaleh.

Nous avons affaire à une caisse qui respecte les principes sacrés du CNR, comme il se doit. Elle se drape dans la solidarité intergénérationnelle pour prendre toujours davantage à ses cotisants. Vous pourriez donc me rétorquer que c'est un mal pour un bien et qu'il suffit d'attendre ses vieux jours pour passer du bon côté de la CARPIMKO. Cela nous amène à nous poser la question suivante :
Combien toucherons-nous ?
Malheureusement, on ne peut pas dire que la CARPIMKO assure une retraite dorée à nos aînés, malgré les conditions nettement meilleures qu'ils ont connues : la pension brute moyenne des anciens orthophonistes s'élève à 915 € par mois, soit 831 à 846 € nets selon le taux de CSG appliqué (source : le dernier bulletin de la caisse). Il faut dire que nos anciens n'ont cotisé en moyenne que 23,76 ans, au lieu des 43 exigés pour une retraite à taux plein.
Mais justement, qu'en est-il du taux plein ?

A l'heure actuelle, si vous avez un bénéfice de 30 000 €, la CARPIMKO vous promet 378 € de retraite annuelle nette (source : mon appli pour iPhone, basée sur les montants communiqués par la caisse). Sur 43 ans de carrière avec ce même revenu, cela fait 16 254 €, soit 1 355 € par mois en euros constants. Cette fois, nous parlons bien de taux plein ! 

Bien évidemment, même si vous vous maintenez à 30 000 €, vous toucherez moins que cela : le rendement de la CARPIMKO baisse mécaniquement chaque année.
Facteur aggravant : les réformes, qui sont en fait des détériorations, se succèdent à un rythme amusant. Quand elles ne touchent pas la caisse, elles s'attaquent à la CSG ou à la création de nouvelles taxes (ex : la CASA, qui soulage les retraités de 0,3 % de leur pension). Nous n'avons donc aucune visibilité, d'autant que le gouvernement souhaite une réforme d'ensemble du système français. Vous pouvez lui donner votre opinion sur ce site. Il faut savoir que le pays dépense 14 % de son PIB dans la retraite, contre 10 % en moyenne dans le reste de l'OCDE. En outre, les Français passent en moyenne 5 ans de plus en retraite que la moyenne. Nous allons donc vers un endettement massif, ou vers des réformes d'ampleur qui n'épargneront pas la CARPIMKO.
Au final, les 1 355 € restent une promesse qui n'engage que ceux qui y croient. 
En fait, nous n'avons aucune idée de ce que nous toucherons, sauf si nous sommes en fin de carrière (et encore...). Nous savons juste combien nos anciens touchent actuellement avec nos cotisations. Nous connaissons aussi les sommes qui partent vers les autres retraités français, au titre de la compensation entre les caisses. Je vois mal quel avantage indu nous devons "compenser", mais c'est comme ça depuis 1974. Les professions jeunes renflouent celles qui comportent plus de retraités.

La retraite par capitalisation est-elle une solution ?



En France, nous n'avons pas de fonds de pension à l'anglo-saxonne, parce que c'est le mal incarné, comme chacun sait. Les débats sur ce sujet ont été houleux dans les années 90. Plus personne n'ose en parler.

Mais au fil des décennies, les Français ont bien vu la dégradation de la retraite obligatoire. Ils ont pris peur et ont épargné massivement, dès qu'ils le pouvaient. L'assurance vie est devenue leur placement de long terme préféré, à côté de l'immobilier. En tant qu'indépendants, nous avons aussi accès aux contrats Madelin, véritables produits tunnels dont nous ne pouvons sortir qu'en rente. Il existe aussi les PERP, créés sur un principe similaire pour l'ensemble de la population. Tout cela va être remanié par la loi Pacte, qui arrive au Parlement.

Je détaillerai les différentes pistes d'épargne à long terme dans mon prochain article. Mais les plus pessimistes d'entre vous voient déjà la faille de tous ces dispositifs : pour qu'ils améliorent significativement notre future retraite, ils doivent comporter une part de risque. Et donc, on ne peut pas non plus leur accorder une confiance aveugle pour nos vieux jours. Les krachs boursiers, obligataires et immobiliers ne sont pas rares.

Rappelons aussi que pour dégager 1 000 € de rendement par mois, un placement peu risqué à 2 % doit avoir capitalisé 600 000 €. Autant dire que pour la plupart d'entre nous, cela reste inaccessible.


Alors sommes-nous condamnés à travailler jusqu'à ce que mort s'ensuive ?




On pourrait le penser, puisque la retraite par répartition n'est pas fiable et que la capitalisation l'est encore moins. Malgré tout, si nous n'avons aucun pouvoir sur l'évolution de la CARPIMKO, nous pouvons décider de travailler suffisamment pour épargner, en nous fixant des objectifs et en utilisant des effets de levier. L'Etat nous y incite lui-même, en proposant une pléthore de niches fiscales visant à flécher notre effort vers les domaines qui l'intéressent (ex : le cinéma, les entreprises innovantes, l'Outre-Mer, les PME, l'immobilier locatif dans les zones à forte demande, etc.).

La CARPIMKO n'est finalement qu'un petit socle sur lequel nous pouvons bâtir à notre guise. Quand notre caisse de retraite préférée achète des actions, elle ne nous demande pas notre avis. Son patrimoine est constitué à 40 % d'actions et à 45 % d'obligations, que vous le vouliez ou nous. Mais sur la partie capitalisation, nous sommes libres. C'est un privilège que nous avons, par rapport aux salariés : nous pouvons décider de travailler suffisamment pour dégager une capacité d'épargne, puis la répartir à notre guise. Cela peut s'avérer passionnant. Et surtout, cela augmente nos chances de pouvoir arrêter de travailler, le jour où nous en aurons assez.
Ce sera l'objet du prochain article : quel éventail avons-nous à notre disposition ? Comment défricher son propre chemin dans cette jungle ? Comment s'y prendre pour sortir des placements sans risque et sans rendement, même quand on n'y connaît rien ? Comment éviter de se mettre à la merci de locataires indélicats mais protégés par la loi ? Il existe des solutions à l'ensemble de ces questions.

mardi 11 septembre 2018

Le prélèvement à la source chez les libéraux



 
En France, le prélèvement à la source a été instauré par décret le 10 novembre 1939. Si, si, vous pouvez vérifier. C'était probablement plus urgent que le prolongement de la ligne Maginot dans les Ardennes... Le "stoppage à la source", comme on l'appelait, était un impôt simple : proportionnel, sans tranches, assis sur l'ensemble des rémunérations (source : l'Expansion). Il a même été maintenu après la débâcle du gouvernement de Vichy.

Bon, je pense que vous l'avez remarqué : ce stoppage a ensuite été... stoppé. En octobre 1948, la IVe République a réinstauré le décalage d'un an entre le revenu et le paiement de l'impôt. Mais le prélèvement à la source s'est mué en serpent de mer, comme le tunnel sous la Manche.

Ces deux grands rêves de l'humanité auront fini par devenir réalité !


Nous le savons maintenant : le dispositif est (probablement) prêt et 2018 sera bien une année blanche.

Ça a l'air simple, dit comme ça. Mais le diable se niche dans les détails. Vous pouvez lire ce bulletin officiel, si vous avec choisi Technocrate comme LV1 au collège. Mais alors éloignez les enfants agités, les oiseaux, le chat qui s'étale devant votre écran. Coupez Spotify. A la rigueur, mettez du Kitaro. Sa musique fait toujours du bien dans l'adversité.


Vous pouvez aussi lire la suite de cet article. Je vais tenter de vous expliquer en vrai français comment la réinstauration du prélèvement à la source va se passer concrètement pour nous.

En fait, nous sommes déjà prélevés à la source !


La source, c'est actuellement notre compte pro pour l'URSSAF et la CARPIMKO.

En 2018, nous payons les cotisations URSSAF de 2018. Nous leur faisons des acomptes, qu'ils appellent "cotisation provisionnelle". Le montant est estimé à partir du bénéfice de 2016. Le tout sera régularisé à l'automne 2019, suite à notre déclaration sur Net-Entreprises.

Le prélèvement à la source du fisc va fonctionner de la même manière. En 2019, il va prendre comme référence le bénéfice 2017 (puis celui de 2018 à partir de septembre), pour estimer 12 acomptes mensuels ou 4 acomptes trimestriels. Ce sera régularisé dans un sens ou dans l'autre à l'automne 2020. Amis des régularisations qui font peur, soyez heureux : en voici une de plus !

Notez que si vous percevez des revenus fonciers, ce sera exactement le même calendrier, tant pour l'impôt sur le revenu que pour les prélèvements sociaux.

Seconde remarque : si vous créez votre activité libérale en 2019 ou après, vous pourrez estimer vous-même votre bénéfice et verser des acomptes dès le début. Vous pourrez aussi choisir d'attendre le mois de septembre de l'année suivante pour tout régler en bloc.


Notre vie sera-t-elle simplifiée ?


Pas vraiment. Nous vivons en France, que diantre ! Ici, les chocs de simplifications sont aussi tangibles que le Graal.



L'Etat nous dit que le prélèvement à la source, c'est moderne parce que ça permet d'adapter l'impôt aux variations de revenus. C'est expliqué dans cette section du bulletin officiel. Nous pourrons simuler une modulation de nos acomptes et en faire la demande sur l'espace Particuliers du site impots.gouv.fr. C'est un dispositif particulièrement judicieux pour les consœurs enceintes, par exemple ; mais aussi pour ceux qui débutent et dont l'activité se développe à grande vitesse. C'est souvent le cas chez les médecins et les paramédicaux libéraux.

Pour augmenter vos acomptes, il n'y aura aucune condition préalable, bien entendu : l'Etat aime votre argent. Mais si vous voulez moduler à la baisse, il faudra que cela représente au moins 10 % ou 200 € de diminution de l'impôt annuel. Le problème, c'est que si vous sous-estimez trop vos revenus, il y aura des pénalités.

Êtes-vous prêt à prendre le risque de vous tromper ?



Moi non. Si mes revenus baissent, j'attendrai sagement la fin de l'année suivante pour avoir une régularisation dans le bon sens. Et s'ils montent, je mettrai le surplus de côté pendant un an et demi, au lieu de le verser directement dans le tonneau des Danaïdes.

N'attendez pas non plus de modernisation en ce qui concerne vos déclarations. Les 2035 et 2042 sont des dures à cuire. Vous continuerez à les remplir (seulement la 2042 si vous êtes en Micro-BNC).

Voilà pour le monde merveilleux qui nous attend le 1er janvier. Mais qu'en est-il de la période de transition ?


Y a-t-il vraiment une année blanche ?





Le concept d'année blanche paraît merveilleux, à tel point que beaucoup de gens n'y ont pas cru au départ. Vous verrez plus loin qu'ils n'avaient pas complètement tort.

Si rien n'avait changé, nous aurions dû payer en 2019 l'impôt sur le revenu 2018. Mais finalement, nous paierons les acomptes 2019. Il aurait été difficile de nous faire payer deux impôts la même année. Donc celui de 2018 sera annulé.

Concrètement, le fisc va calculer un "crédit d'impôt modernisation du recouvrement" (CIMR) pour effacer l'impôt sur le revenu 2018. Malheureusement, la formule c'est pas : CIMR = Impôt sur le revenu 2018.

Le vrai calcul est celui-ci : CIMR = Impôt sur le revenu 2018 x (revenu habituel / revenu total)

Vous saisissez la subtilité, je présume ?

Dans cette formule, il y a une déception et un cadeau. Commençons par la déception : les bonnes nouvelles permettent d'oublier les mauvaises.

Le CIMR n'effacera pas complètement l'impôt sur le revenu 2018, parce que le fisc a voulu éviter l'effet d'aubaine de l'année blanche. Cette année, nous aurions pu améliorer artificiellement nos recettes. Par exemple, nous aurions pu arrêter de facturer nos séances pendant les deux derniers mois de 2017. Nous aurions pu aussi bloquer des dépenses pour les reporter sur 2019. Les salariés avaient beaucoup moins de possibilités que nous pour jouer à ce petit jeu. Nous n'aurions donc pas été tous égaux devant l'impôt, alors que ce point est un totem du Conseil constitutionnel.

Le CIMR n'annulera donc que les revenus considérés comme habituels. La meilleure des trois années précédentes (donc 2015, 2016 ou 2017) sera retenue comme base. Si nous avons un meilleur bénéfice 2018, nous resterons imposés sur le surplus. Nous paierons la note à l'automne 2019.

Il y aura tout de même moyen de négocier avec le fisc si nous pouvons prouver que le surplus correspond à une tendance ou à des événements indépendants de notre volonté.
Voilà comment l'année blanche est aussi grisâtre qu'un vieux t-shirt. Impossible de laver plus blanc que blanc. Coluche nous avait prévenus.


J'ajoute que Bercy a mis en place des règles spéciales sur les travaux effectués par les propriétaires bailleurs (à voir sur cet excellent site). Il y en a d'autres sur le PERP (à découvrir ici).
Malgré tout, je vous ai dit qu'il y avait un cadeau dans le CIMR. C'est suffisamment rare pour être signalé !

Le calcul du CIMR permet à l'Etat de taxer votre surplus selon votre taux d'imposition moyen (voir la définition ici). Mais d'habitude, les surplus sont taxés au taux marginal, nettement plus haut ! Si vous voulez décortiquer le mécanisme, vous pouvez lire cet article de cbanque.com. Je vous donnerai juste un exemple, très explicite.

Imaginons que la meilleure de vos trois dernières années affiche un bénéfice de 30000 € et qu'en 2018, vous soyez à 35000. Vous avez un "revenu exceptionnel" de 5000 €. Si vous êtes célibataire, vous êtes dans la tranche marginale à 30 % (voir le barème ici). Normalement, vous devriez payer 1500 € d'impôts sur ce surplus. 
Mais dans cette gamme de revenus, votre taux moyen est de 13,7 % : dans vos 35000 €, il y a tout le début de l'année qui est taxé à 0 %, le milieu à 14 % et seulement la fin à 30 %.
Au lieu de payer 1500 € au titre de 2018, vous allez descendre à 685 €. L'Etat vous fait donc un cadeau de 815 € sur 2018 ! Tant de bonté ne peut que nous émouvoir.


En parlant de bonté : qu'en est-il des niches fiscales ?

 

Le fisc l'a martelé : les réductions et crédits d'impôts acquis au titre de 2018 resteront acquis. Mais tel que le projet était initialement ficelé, les acomptes de janvier à août 2019 ne devaient pas en tenir compte. Cela revenait à avancer de l'argent à l'Etat.

Les médias ont surtout parlé de la niche des frais de garde d'enfants, qui concerne beaucoup de gens. On pouvait craindre un retour massif du travail dissimulé.

Edouard Philippe a donc rectifié le tir. Il a annoncé que le fisc verserait un acompte de 60 % le 15 janvier 2019 au titre des niches fiscales suivantes :
  • garde d'enfant de moins de 6 ans (crèche, centre aéré...)
  • employé à domicile (femme de ménage, aide soignante...)
  • investissement locatif (ex : dispositifs Pinel, Duflot, Scellier, investissement social)
  • dons aux œuvres et aux personnes en difficulté
  • dons à la recherche médicale
  • dons aux associations cultuelles
  • cotisations syndicales des salariés
(source : ultimea.fr)

Concernant les particuliers-employeurs, le dispositif d'acompte est spécial (voir ici), à cause de l'impréparation du système de déclaration.

Personne ne parle des achats de parts de SOFICA, de FIP ou de FCPI, ni des dépenses d'amélioration de la résidence principale. Je ne trouve pas non plus de confirmation concernant les lois Malraux, Girardin et Monuments historiques, qui ont probablement plus de chances d'être concernées par l'acompte de 60 % parce qu'elles impliquent un investissement locatif. Mais la liste exhaustive n'est pas encore parue au Journal Officiel, à ma connaissance.

Cela dit, que vous utilisiez une niche fiscale ou pas, il vous reste un choix urgent à faire. C'est l'objet de l'avant-dernière partie de cet article.


Quel taux de prélèvement choisir ?

Vous avez jusqu'à samedi, le 15 septembre 2018, pour choisir entre trois types de taux de prélèvement à la source pour l'année prochaine :
  • Le taux personnalisé normal : c'est celui que le fisc propose par défaut. D'ailleurs, la plupart des contribuables l'ont conservé. C'est le taux classique de prélèvement, appliqué indistinctement à tous les revenus du foyer fiscal (même si l'un de ses membres gagne beaucoup moins).
  • Le taux neutre : c'est un moyen de se protéger du regard de son employeur. C'est un barème national (voir ici). Un patron n'a ainsi aucun moyen de savoir que son collaborateur a une femme orthophoniste qui travaille beaucoup, par exemple ; ou qu'il perçoit d'importants loyers. Si le taux neutre est trop bas (ce qui est probable, sinon à quoi bon), le fisc puisera le complément sur votre compte en banque.
  • Le taux individualisé : cette dernière option est uniquement ouverte conjoints mariés ou pacsés. Elle permet à chacun de payer l'impôt en fonction de ses propres revenus. Mais le total sera le même qu'avec les autres taux, bien évidemment.
Si vous souhaitez aller plus loin avant de vous décider, Thibault Diringer a consacré un article très intéressant à ce sujet sur son site corrigetonimpot.fr.


Pourquoi l'Etat revient-il au prélèvement à la source, 70 ans après sa suppression ?


En tant que Gaulois réfractaires, nous pouvons douter de l'utilité du passage au prélèvement à la source :
  • Ce n'est pas une réforme fiscale. Elle change juste le mode de recouvrement.
  • Elle n'est pas moderne, puisque nos arrière-grands-parents l'ont connue.
  • Elle transforme les employeurs en receveurs des impôts, comme s'ils n'avaient que ça à faire. Ça leur coûte cher. Ça leur prend du temps. Un pays dont la compétitivité ressemble au Titanic peut-il se permettre de charger encore un peu plus la chaloupe des entreprises en tracasseries administratives ? J'ai récemment entendu un employeur, Laurent Vronski, dire qu'il avait autant besoin de cette réforme que de fourmis dans un sac de couchage.
  • Le prélèvement à la source pénalise les jeunes et avantage les nouveaux retraités, en supprimant le décalage d'un an. Il y a des gagnants (qui votent) et des perdants (qui s'abstiennent beaucoup plus).
  • On nous dit aussi que cette réforme nous aligne sur l'ensemble des pays modernes. Mais ils n'ont pas tous un impôt familial, qui transforme le prélèvement à la source en horrible usine à gaz. D'autre part, quand il s'agit d'effectuer les vraies réformes structurelles que les autres pays de l'OCDE ont mises en place depuis vingt ans, on ne trouve plus personne en France. Nous continuons à endetter nos enfants, tout en paupérisant les services publics. Nous nous moquons de ce qui a réussi ailleurs et en nous nous payons même le luxe de donner des leçons. Autrement dit, l'alignement sur nos voisins est encore un argument fallacieux.

Alors pourquoi l'avoir fait ? Nous entendons déjà parler des phases suivantes.
Tout d'abord, le prélèvement à la source permettrait d'individualiser l'impôt, en sortant du concept de foyer fiscal. Admettons. On peut imaginer que le quotient familial devienne une réduction d'impôt individuelle.
Mais voici le pire, pour les membres des classes moyennes et supérieures : le prélèvement à la source permet une fusion très facile de la CSG et de l'impôt sur le revenu. Si c'est pour transformer le second en flat tax avec une assiette large, pourquoi pas. Mais les choses étant ce qu'elles sont dans ce pays, c'est plutôt la CSG qui deviendra progressive comme l'impôt sur le revenu. Beaucoup de gens ne la paieront plus, laissant le soin à une minorité de la régler à leur place. Forcément, vous figurerez parmi cette minorité.
Et si le gouvernement actuel ne le fait pas, un autre le fera, au nom de la justice sociale et avec la bénédiction de Thomas Piketty. C'était d'ailleurs une promesse de campagne du précédent président. En attendant ce jour funeste, carpe diem !

mardi 4 septembre 2018

Combien de séances un orthophoniste doit-il pratiquer par semaine ?



Une question revient inlassablement sur les forums et les groupes Facebook orthophoniques : combien de séances faites-vous ? Vous l'avez sûrement lue plusieurs fois. Il arrive qu'elle émane d'une banque qui exige un prévisionnel, mais pas toujours.

Elle est souvent prolongée :
  • Combien de séances pour que le cabinet soit viable ?
  • Combien de séances maxi, avant que les impôts prennent tout le surplus ?
  • Combien de séances avant de risquer un burn out ?
Les réponses des collègues sont généralement nombreuses : ce thème nous préoccupe tous dès notre installation, voire avant ! Bon, un peu moins après le départ en retraite, je vous l'accorde.

Il faut dire que c'est une interrogation cruciale : puisque nous avons une durée de séance minimale imposée par la sécu, le nombre  d'actes conditionne directement notre temps de travail et notre recette. Nous ne pouvons pas recevoir plus de gens en passant nos séances à 20 minutes. Pourtant, 30 minutes de rééducation du sigmatisme interdental, c'est parfois long... Mais bon, dura lex sed lex.

La plupart des réponses à cette question "combien" oscillent entre 40 et 65 actes par semaine (dont  2,9 % de bilans, cf l'Orthophoniste n°380 p.9). Pourtant, libéral = liberté. On pourrait donc s'attendre à des chiffres plus éparpillés, allant par exemple de 20 à 120. Après tout, 120, ce sont seulement 6 journées de 20 rendez-vous !

Chacun fait ce qui lui plaît. Nous avons la chance énorme de pouvoir travailler autant que nous le voulons. Nous pouvons ajuster notre vie professionnelle en fonction de nos impératifs privés, ou tout simplement de nos envies. La demande de soins le permet quasiment partout en France. La vie est belle, non ?



Mais justement, devons-nous travailler en fonction de la demande ?

Retour en 1972, l'année où notre cabinet a été fondé. Les médecins et les enseignants connaissent mal l'orthophonie. Le métier émerge. Notre fondateur bien-aimé doit faire savoir pourquoi certains patients pourraient avoir besoin de lui. Il doit aussi faire ses preuves.

Assez rapidement, il y parvient et la demande augmente. Il bilante le samedi et rééduque dans la semaine avec des horaires assez sympathiques. Il faut dire que l'AMO n'a pas encore décroché de l'inflation. Le cabinet rayonne sur un demi-cercle de 25 kilomètres de rayon. L'autre demi-cercle se trouve dans la mer, mais la rééducation du hareng et du goéland ne figurent pas dans la nomenclature...


Dès 1980, notre Grand Sachem ne sait plus où donner de la tête. Il recrute une première associée. A deux, ils font face à la demande pendant plusieurs nouvelles années. Mais le même problème se pose à nouveau au début des années 90. Le cabinet passe à trois, puis quatre, cinq et maintenant six orthophonistes. Plus aucun bureau n'est libre (j'en profite pour signaler 2 départs en retraite en 2019, contactez-moi, A L'AIDE !).

Et pourtant, la situation a complètement dégénéré. Nous ne faisons plus face à la demande. Nous avons instauré une liste d'attente, comme un peu partout. Nous devons sans cesse établir un tri désagréable entre les soins urgents et les autres. Le délai habituel a dépassé une année. Par endroits, des collègues parlent de deux ans ! A quoi bon tenir une liste d'attente dans ces conditions... D'ailleurs, vous êtes nombreux à y avoir renoncé.

Il est donc clair que nous ne pouvons pas travailler en fonction de la demande, malheureusement.

Quand bien même nous le voudrions, et même en arrêtant de dormir, cela ne suffirait pas. Avantage pour nous : nos ressources sont infinies. C'est moins reluisant pour la population qui cotise pour être soignée. Mais nous, nous sommes vraiment libres quand nous choisissons notre temps de travail, en l'état actuel des choses.

Alors comment choisir son nombre d'actes, puisque nous sommes libres de le faire ?

C'est simple. Tout est dans Gradius.


J'ai tenté de devenir adroit sur Gradius entre 1986 et 1989. A présent, j'y joue sur la borne d'arcade du cabinet. Voilà un jeu que vous ne pouvez pas connaître si vous avez moins de 40 ans ; sauf si vous vous intéressez aux vieilleries qui ont amusé vos aînés. Vous dirigez un petit vaisseau blanc en territoire ennemi. Vous êtes le dernier espoir de l'Humanité, bien entendu. Vous devez éviter toutes sortes de vaisseaux et de projectiles, sans jamais toucher le sol ni le plafond.

Plus tard, je suis devenu orthophoniste libéral mais je suis resté un pilote de Gradius. Nous le sommes tous ! Les vaisseaux et les projectiles, ce sont toutes les difficultés du métier, liées aux patients ou aux contraintes réglementaires. Vous les connaissez. Le sol, c'est notre seuil de rentabilité. Le plafond : notre maximum possible. A nous de bien naviguer dans cet espace. Seule différence, qui met un sacré coup à l'ego : nous ne sommes pas le dernier espoir de l'Humanité. Tout le monde n'est pas Nicolas Hulot.

Cela dit, pour éviter de se crasher, il faut savoir où se trouvent le plafond et le sol.


Commençons par le sol : le seuil de rentabilité



Au moment de faire régler un parent, vous avez sûrement entendu un jour un enfant s'exclamer : "C'EST CHER !". Ah, comme nous aimerions empocher 100 % de notre recette ! Bien évidemment, c'est impossible. Nous avons des charges fixes, indépendantes de notre activité :
  • le loyer et les charges locatives
  • les assurances
  • EDF, eau, téléphone, internet (principalement des abonnements)
  • le chauffage
  • l'amortissement d'un éventuel véhicule, ainsi que la quote-part professionnelle de l'entretien et du carburant
  • l'amortissement des meubles
  • le matériel informatique
  • les cotisations forfaitaires de la CARPIMKO : 2 391 € cette année
  • celle de l'URSSAF : 197 € cette année, mais une centaine d'euros d'habitude
  • la cotisation foncière des entreprises, qui dépend de votre local et de son emplacement
  • les frais de tenue de compte bancaire
  • des abonnements à des logiciels (ex : Orthoscribe, LangageOral.com, Happy Neuron)
  • le logiciel de gestion de cabinet
  • l'association de gestion
  • l'entretien des locaux et du matériel
  • un éventuel comptable
  • un éventuel service de secrétariat.
Commencez par lister et chiffrer ces frais. Nous ne gagnons notre vie qu'après  avoir encaissé l'équivalent de ce seuil. Dans certains endroits, une dizaine d'actes par semaine  permet de l'atteindre. Pour déterminer votre propre seuil, vous pouvez prendre un AMO moyen à 12, donc 30 € par acte pratiqué. A moduler vers le haut si vous faites beaucoup de neuro, par exemple. A moduler vers le bas si vous vous passionnez pour le sigmatisme interdental et son merveilleux AMO 8.

Ensuite, vous allez payer des charges proportionnelles à votre activité :
  • la CSG
  • la CRDS
  • les allocations familiales si votre bénéfice dépasse 43 705 € (chiffre de cette année)
  • la cotisation aux URPS
  • les 4 cotisations proportionnelles de la CARPIMKO.

Je vous ai donné ici un moyen rapide de les calculer. La formule n'est pas la même pour tous. C'est comme avec le fisc : nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Vous avez aussi mes applications iPhone et Android pour vous aider.

Vous connaissez maintenant votre seuil de rentabilité. Evidemment, vous allez travailler un peu plus que ça, pour pouvoir vous dégager un revenu. En France, ce sont les agriculteurs qui travaillent parfois pour rien, dans l'indifférence générale (c'est affreux). Pas les orthophonistes.

Dans bien des endroits du pays, le point d'équilibre permettant de commencer à vivre correctement se situe autour de 40 actes par semaine. Tout dépend aussi du nombre de semaines de congés que vous envisagez : à 5 semaines par an, 40 actes vous feront mieux vivre que si vous fermez 10 semaines.


Comment ajuster le tir, une fois qu'on dépasse le seuil ?

L'orthophonie est un métier passionnant. Il est de bon ton de le dire, mais nous sommes nombreux à le penser réellement. Elle présente un grand intérêt intellectuel. Nous travaillons sur l'humain, dans l'empathie et la bienveillance. Nous y trouvons la satisfaction d'aider les gens. Certains nous expriment leur reconnaissance de manière émouvante. Chaque jour, nous pouvons faire vivre les valeurs qui nous ont orientés vers cette profession.

Même si nous restons proches du seuil, nous ressentons toutes ces satisfactions. Cela suffit à beaucoup d'entre nous. L'orthophonie est un ascenseur rapide qui nous emmène directement au sommet de la pyramide de Maslow.


Que pourrions-nous vouloir de plus ? Eh bien... beaucoup de choses. D'abord, le bonheur au travail n'exclut pas des besoins et des envies personnels. On peut se prendre de passion pour des loisirs dispendieux. Nos enfants (ou nos parents) peuvent aussi générer des frais très importants. A nous de relever notre niveau d'activité pour les assumer. C'est aussi cela, la beauté du libéral.

Mais attention, il ne faudrait pas oublier un point capital qui doit nous inciter à relever notre nombre de séances : la faiblesse de notre protection sociale. 

N'oubliez pas que :
  • la retraite moyenne d'un orthophoniste est de 831 € nets par mois (source : le dernier bulletin de CARPIMKO)
  • vous avez 90 jours de carence, pas 3 comme un salarié du privé ou 1 comme un fonctionnaire
  • après ces trois mois, les indemnités paient à peine les charges du cabinet, mais ne font pas vivre votre famille
Vous pouvez vivre avec ces risques, comme beaucoup de collègues. Surtout si vous avez un conjoint qui gagne bien sa vie. Mais vous pouvez aussi chercher à fabriquer votre auto-protection sociale.

Antoine Blanchemaison, un célèbre infopreneur, appelle cela "la cagnotte de la liberté". Il rappelle que sans épargner, les travailleurs indépendants sont à la merci d'un pépin qui viendrait mettre par terre leur activité. Nous ne sommes vraiment libres que si nous assurons nos arrières. Je vous mets ci-dessous le podcast où il en parle :


Là aussi, nous avons un privilège par rapport aux salariés : nous pouvons décider combien nous mettons dans notre cagnotte de la liberté. Et ajuster notre nombre de séances en conséquence. Quand j'ai compris ça, je suis passé de 60 à 80 actes par semaine. Les 20 séances supplémentaires sont toutes parties dans l'épargne. Je n'ai qu'un regret : avoir gâché les premières années de ma carrière en ne travaillant que pour gagner ma vie. Tant d'années perdues...

Sur ce blog, j'ai souvent parlé de tout ce qui se trouvait à notre portée pour épargner, pour nous diversifier et pour utiliser les niches fiscales que l'Etat nous proposait. Il aime flécher nos investissement vers ce qui l'intéresse. J'y reviendrai longuement. Mais retenez déjà qu'il faudra accumuler plusieurs centaines de milliers d'euros pour générer 1 000 € de plus quand vous serez en retraite. Si vous avez 100 000 € sur une assurance vie qui vous rapporte 2 % nets (certaines sont en-dessous), vous n'obtenez que 167 € d'intérêts par mois...

Revenons à Gradius : le vaisseau peut se crasher en bas, mais aussi en haut ! Y a-t-il un plafond d'activité en orthophonie ? Si vous en parlez autour de vous, beaucoup de gens vous diront qu'il y a un moment où ça ne sert plus à rien de travailler, parce que l'Etat vous prend tout le surplus. Le fisc, l'URSSAF et la CARPIMKO ont réussi à tuer leur courage. D'où la question :

Peut-on se cogner au plafond ?



Oui. Mais pas à cause des impôts ou des charges sociales.

Commençons par l'URSSAF et la CARPIMKO. Une fois que votre bénéfice atteint 55 625 € (montant de cette année),  vous leur donnez 18,03 % de tout ce que vous gagnez en plus. Donc il vous reste 81,97 % du fruit de votre travail, avant impôt.

L'impôt sur le revenu est progressif, lui. Il paraît que c'est juste. Au début de l'année, ce que vous gagnez n'y est pas soumis. Puis vous donnez 14 %, puis 30, puis 41. Vous trouverez le barème ici.

Si vous êtes un(e) orthophoniste libérale et néanmoins célibataire, il y a de fortes chances pour que vous vous trouviez dans la tranche à 30 %. Mais ce sont les actes de la fin de l'année qui ne vous laissent que 70 % de vos efforts. Tout ce que vous avez fait depuis janvier reste taxé à 0 puis 14 %.

Autrement dit, un saut de tranche n'est pas catastrophique. Bien sûr, l'impôt progressif est décourageant par principe. Les patients de décembre vous demandent autant d'efforts que ceux de janvier. Tout se passe comme si l'Etat vous appliquait une décote sur l'AMO au fur et à mesure. Et plus vous acceptez de soigner de nouveaux patients, plus la décote augmente. Mais quoi qu'il arrive, vous pouvez travailler plus pour gagner plus. Il n'y a pas de plafond fiscal ou social en France.  

D'ailleurs, imagineriez-vous un entrepreneur qui fermerait en octobre pour ne pas payer plus d'impôts ? Non bien sûr ! Un commerçant ou un artisan accepte tous ceux qui se présentent. Or, nous sommes aussi des entrepreneurs individuels.


Malheureusement, nous avons un autre obstacle : la charge cognitive. Les féministes l'ont bien mise en évidence pour la maison, à raison. Il arrive un moment où malgré tous les efforts d'organisation et d'optimisation, nous saturons mentalement. Il faut dire aussi que le travail hors séance a pris de une ampleur non négligeable : réunionite aiguë, téléphone, courriers en tous genre, etc.

Le point de saturation est spécifique à chacun. Moi, j'ai un indicateur très pratique pour savoir qu'il est le temps de lever le pied : je deviens Pierre Richard. Je laisse tomber une cafetière pleine parce que j'oublie que je l'ai dans les mains. Ma chemise se prend dans les poignées de portes. Je rentre dans les murs. Je m'assois dans la voiture, puis je ferme ma portière en laissant une jambe dehors. Je ne passe plus au milieu des encoignures de portes, plusieurs jours de suite. C'est parfois douloureux. Et comme toute douleur, c'est un signal à écouter.


Si vous n'avez pas encore découvert votre signal d'alerte, surveillez-vous. Demandez à vos proches de vous y aider. Ca les fera peut-être rire ! Mais je pense que vous avez déjà au moins ressenti un gros manque d'envie, une perte de patience, des bâillements à vous décrocher la mâchoire, des pensées qui dérivent en pleine conversation...

Alors combien : 40, 80, 120 actes?

Vous l'aurez compris, je n'ai aucun chiffre à vous conseiller. Vous êtes libre, comme nous tous. Nous n'avons pas tous les mêmes besoins privés et professionnels, ni le même désir d'auto-protection, ni le même point de saturation.

Mais bon, allez, mouillons-nous un peu !

Je pense quand même que 40 actes en province, ou 50 à Paris, ne permettent pas de créer une vraie cagnotte de la liberté, même en prenant peu de vacances. Je trouve aussi (et nous serons nombreux à le penser) que 120 sont hors d'atteinte pour la plupart d'entre nous ; même si je connais un collègue qui en fait 130 couramment depuis vingt ans, avec une recette qui se situe entre 120 000 et 150 000 € selon les années. Je l'admire.

On peut toujours chercher à repousser ses propres limites, mais il y a un moment où le corps se rappelle à nous.


Le bon équilibre se trouve donc entre 50 et 80 actes, voire 100. Cela laisse une grande latitude de mouvement, non ? A vous de voir. Mais surtout, n'oubliez pas que vous travaillez pour vivre et vous auto-protéger.