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vendredi 13 décembre 2019

Retraites : la FNO s'énerve



La Fédération Nationale des Orthophonistes (FNO) a publié hier soir un communiqué de presse intéressant :


Le titre, comme vous le voyez :

Réforme des retraites : négocier, ce n’est pas accepter !


Mais si vous regardez bien l'adresse internet de ce communiqué, le titre initial était :

Réforme des retraites : de l'inquiétude légitime à la désinformation - Stop !


On sent bien l'énervement qui les a saisis avant d'écrire ce texte. Pas contre le gouvernement, mais contre les collègues. Il est vrai que depuis l'annonce de M. Philippe, mercredi midi, le silence de la FNO commençait à lui attirer des remarques peu amènes, d'autant que d'autres syndicats avaient réagi. Vous trouverez le texte d'Alizé (syndicat de kinés pas encore représentatif) ici, avec cette conclusion claire : 

"Notre position en l’état actuelle des choses est que trop d’incertitudes demeurent et que la hausse de cotisation que cette réforme met à la charge de notre profession est inacceptable. Comme nous l’avons annoncé nous sommes en train de préparer une consultation destinée aux kinésithérapeutes. Sur les bases de notre analyse et des résultats de la consultation nous annoncerons dans quelques jours les actions que nous envisageons."

Le syndicat Convergence Infirmière s'est exprimé ici, avec une position encore plus braquée :

"Cette allocution du Premier ministre laisse encore de nombreuses zones d’ombre mais apporte des éclairages qui sont inacceptables. Nous appelons donc à la mobilisation début 2020 dans le cadre du collectif « SOS retraites ». Une date de manifestation sera prochainement communiquée. Les spécificités des infirmières libérales doivent être prises en compte et cette réforme doit être largement revue. Face à une réforme inique qui met en danger notre profession, nous ne reculerons pas."

Lassée de lire ce qu'elle appelle de la "désinformation", la FNO a donc fini par publier un texte qui cherchait à nous rassurer sur ses objectifs, sur sa vigilance, sur son féminisme et sur son esprit combattif. 



J'y ai relevé plusieurs phrases significatives :

"L’inquiétude générée par l’incertitude liée à la réforme des retraites engagée par le gouvernement est légitime et elle atteint actuellement son paroxysme dans une frénésie qui fait dire tout et son contraire !"

C'est probablement le passage où le mot "désinformation" devait se trouver à l'origine. Le ton et la ponctuation montrent le degré d'énervement que le bureau de la FNO a atteint. Ceux qui s'inquiétaient de son silence sont forcément des frénétiques, à défaut de pratiquer la désinformation puisque ce mot ne subsiste que dans l'URL.


[La FNO] "n’a pas attendu les mouvements et les grandes déclarations de ces derniers jours pour agir !"

Même remarque : on sent les auteurs piqués au vif. Ca peut se comprendre. Et c'est moins condescendant que la phrase précédente.


"la spécificité sociologique de notre profession entraîne un effet d’injustice criante concernant notre bas niveau de rémunération tant en libéral qu’en salariat."

Ca, c'est forcément une allusion à notre féminisation outrancière. Je ne vois pas où se trouve l'injustice criante en libéral, puisque nous sommes libres de travailler autant que nous le souhaitons. L'AMO est le même pour tous. Les caisses n'ont pas imposé des quotas de patients plus bas aux femmes. C'est pourtant un élément de langage qui revient souvent dans les communiqués de la FNO, depuis quelques anné.e.s.


 
"Les équipes de la CARPIMKO [...] connaissent depuis bien longtemps les échéances démographiques et économiques auxquelles il faudra faire face dans les années futures.

Démographiques, ok. Economiques, c’est étrange : nous ne savons même pas si la Sécurité sociale, et donc l'orthophonie libérale, existeront encore dans trente ans sous la forme que nous leur connaissons. Qui aurait pu prédire que les retraités grecs allaient perdre 30 % sur leurs pensions entre 2010 et 2015 ? La retraite par répartition n'est pas plus sûre que la capitalisation, dans un pays qui se moque éperdument de son endettement. C'est évidemment le cas de la France, une des nations les plus mal gérées de l'OCDE. On peut donc dire que les équipes de la CARPIMKO s'intéressent aux échéances économiques éventuelles. Mais prétendre connaître l'avenir économique, c'est s'attribuer un super-pouvoir. Ca peut rendre le lecteur pour le moins... dubitatif.



"La FNO est en première ligne sur ces sujets depuis des années et a toujours défendu une gestion prudente pour favoriser une juste répartition de l’effort entre les générations"

La valeur du point de nos trois régimes de retraite augmente tous les ans pour les retraités. Les cotisations augmentent tous les ans pour les actifs, indépendamment des lettres-clés. Est-ce cela, une juste répartition de l'effort entre les générations ? Les baby-boomers ont eu tous les privilèges (dont la retraite à 60 ans qu'ils se sont octroyée en 1981), en les faisant financer par les générations suivantes. La répartition de l'effort est donc foncièrement injuste.


 
"L’augmentation des cotisations envisagée est bien entendu au cœur de nos préoccupations"

Cette phrase s'avère beaucoup plus molle que celle d'Alizé sur le même sujet (voir plus haut). Ca m'inquiète.


"Sans complaisance, la FNO rejettera toute proposition qui risque de faire basculer la profession vers une paupérisation progressive et sournoise"

C’est pourtant ce qui se passe depuis le milieu des années 1980 : l'AMO a perdu 42 % de pouvoir d'achat comme je l'ai montré dans un récent article (à lire ici). La FNO se voit contrainte de négocier tous les cinq ans une petite revalorisation, alors que l'inflation, c'est tous les ans. La paupérisation progressive et sournoise est notre lot quotidien. Nos seules échappatoires restent l'augmentation de notre activité et la création de revenus annexes. Je ne dis pas qu'elle pourrait obtenir davantage. Mais au bout de trente-cinq ans, il serait tout de même temps d'acter l'existence de notre paupérisation progressive et sournoise, sans l'attribuer à la rareté du merveilleux chromosome Y...


[La FNO] "n’acceptera pas de lâcher la proie pour l’ombre d’une hypothétique augmentation de nos revenus en contrepartie d’une hausse de nos cotisations."

Ca, c'est un revirement. Au début de l'année, elle parlait de compensation par une hausse de l'AMO et de l'ASV, puis principalement par l'ASV (le régime de retraite des praticiens conventionnés). Mais depuis juillet, M. Delevoye nous loge à la même enseigne que tous les travailleurs indépendants, avec une baisse forfaitaire de l'assiette de la CSG. Autrement dit, on ne voit rien de spécifique pour les paramédicaux pour l'instant.


"l’objectif pour la FNO étant de parvenir à une compensation de l’augmentation des cotisations tout en maintenant des pensions versées qui permettent aux retraités d’appréhender sereinement leur avenir."

On est donc toujours dans l’acceptation du principe de l’augmentation, avec des compensations qu’on pourra nous ôter ensuite en arguant par exemple du fait que la baisse de la CSG lèse l'Assurance  Maladie. Quant au maintien d’une pension qui rend serein : à l’heure actuelle, la CARPIMKO me prédit un revenu divisé par 3.  Finalement, la position la plus sereine, c'est de considérer que les cotisations retraite sont juste un impôt qui finance les baby boomers. Et s'organiser autrement, soit en capitalisant, soit en prévoyant de ne jamais partir en retraite.


"pour arriver à 28,12%, les orthophonistes libéraux n’auraient pas à débourser plus de leur poche que ce n’est le cas actuellement. C’est un point sur lequel nous ne cèderons en rien"

Cette phrase fait plaisir à lire, mais elle soulève deux questions :

  • Quid des orthophonistes libéraux qui dépassent la limite de la tranche à 28,12 % (ceux qui gagnent plus de 40 000 € par an) ? Le rapport Delevoye s'en prend à eux de manière frontale, en augmentant beaucoup plus leur cotisation que celle des autres comme je l'ai montré ici. Personne n'en parle, y compris la FNO. Est-ce un signe avant-coureur de lâchage de ces collègues qui n'ont qu'un seul tort, celui de recevoir beaucoup de patients et de prendre peu de vacances ? Serait-ce juste, solidaire et équitable de s'en prendre encore et toujours à ceux qui sont les éternels perdants des réformes ?
  • Pourquoi envisager l'idée même du passage à 28,12 % ? Pourquoi les indépendants devraient-ils cotiser comme des salariés du privé, aidés par leur employeur ? Pourquoi laisser l'Etat nationaliser les retraites et nous empêcher de cotiser dans le PER qu'il vient lui-même de créer, de manière surréaliste ? Pourquoi ne pas revendiquer la création de trois grands régimes (salariés, fonctionnaires, indépendants), comme le proposent plusieurs économistes ? En définitive, pourquoi accepter de se laisser entraîner sur le terrain que ce gouvernement illogique a choisi ?

"la FNO choisirait avec ses administrateurs une autre voie d’expression."

Autrement dit, toujours aucune consultation de la base, contrairement à ce qu'Alizé envisage. C'est bien dommage.

Haut les cœurs : la messe n'est pas encore dite. C'est la première fois de ma vie que j'espère voir la CGT parvenir à ses fins. 


En attendant, nous sommes bien obligés de faire confiance à nos représentants, dont le dévouement pour le bien commun n'est plus à démontrer. Je persiste à espérer que nous ne soyons pas à l'abri de bonnes nouvelles.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis désolé mon pauvre Guillaume,mais comme disent les 'djeuns' je suis ptdr ..... Comme si la FNO avait la moindre influence sur les décisions de nos instances dirigeantes. Pour moi, elle fait acte de présence et c'est tout, hélas !