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jeudi 8 novembre 2018

URSSAF : notre amie, vraiment ?

Régulièrement, les chaînes de télévision nous montrent des reportages sur les inspecteurs de l'URSSAF. Certains d'entre eux sont d'ailleurs devenus des personnages récurrents. Ils ont sûrement des contacts avec les journalistes, ce sont de bons clients.

Ces fonctionnaires zélés débarquent à l'improviste chez des restaurateurs ou sur des chantiers. Immanquablement, ils découvrent des employés non déclarés. Parfois, si le journaliste a de la chance, il nous montre des migrants exploités.

Tout cela donne une image de sérieux et d'efficacité à l'URSSAF. Après tout, le travail dissimulé est une plaie, un danger pour l'équilibre de notre précieux modèle social. En tant que paramédicaux, cela ne peut que nous plaire, puisque nous vivons de ce système.

Le Président va plus loin : il dit que l'URSSAF est notre amie. Cette phrase en a fait sourire plus d'un. Vous aussi, probablement.



Notre amie, vraiment ?

Oui. J'aime tellement l'URSSAF que je lui ai dédié une application pour iPhone et Android. Et je vais vous montrer tout le bien qu'il faut penser de cette administration, grâce aux aventures palpitantes que j'ai vécues cette année. D'ailleurs, je ne suis pas un cas isolé.

L'année 2018 s'annonçait pourtant faste.

Pensez donc : c'était l'année blanche (voir ici pour mon article sur le prélèvement à la source) ! Le cadeau fiscal n'était pas celui que nous avions espéré, mais il y en avait un quand même.


Du côté des charges sociales, c'était la routine. La CARPIMKO augmentait ses tarifs comme d'habitude, sans tenir compte du blocage de nos lettres-clés. Bien entendu, elle n'en profitait pas pour nous attribuer plus de points de retraite. En somme : business as usual.

L'URSSAF, elle, avait trouvé une petite martingale pour nous soutirer un peu plus d'argent : elle avait décidé de nous prélever deux fois la contribution à la formation professionnelle (CFP). Vous savez, c'est la taxe qui finance le FIF-PL. Vous la payez tous, même si vous n'utilisez pas cet organisme pour vous former. C'est comme la redevance audiovisuelle : vous n'aimez pas les chaînes d'Etat ? Vous trouvez que France Télévisions et Radio France sont des repaires de gens étranges qui pensent tous la même chose ? Pas grave. Vous financez quand même ce microcosme.

La CFP a doublé il y a quelques années, pour atteindre une centaine d'euros. En 2018, c'est le jackpot pour le FIF-PL : l'URSSAF vous aura soutiré 98 € en février et 99€ en novembre ! Regardez bien les petits astérisques en bas de votre appel de cotisations de décembre 2017. C'est toujours comme ça : le diable se niche dans les notes de bas de page.

Vous vous dites que c'est l'année blanche, que ces 99 € supplémentaires ne sont même pas déductibles, qu'ils auraient pu attendre 2019 pour nous pomper la CFP deux fois ? Je suis d'accord avec vous.



Mais allons, ne chipotons pas sur 99 € non déductibles. C'est cadeau pour ceux qui utilisent le FIF-PL. Il faut bien participer à ce système qui transforme les indépendants en usagers de dispositifs étatiques. Nous sommes en France.

Et surtout, ce n'était rien à côté de ce qui s'est passé ensuite.

Rupture de contrat

Pendant les deux premiers trimestres de 2018, j'étais guilleret, malgré cette triste histoire de CFP : je continuais à bénéficier d'une remise de 5,25 % sur ma cotisation aux allocations familiales, grâce à la localisation du cabinet dans un désert orthophonique. C'était la 5ème et dernière année du contrat incitatif, dont j'espérais profiter jusqu'au bout. J'avais signé. Je m'étais engagé à rester à cet endroit pendant cette période, en contrepartie de ces -5,25 % de charges.

J'interromps ce récit palpitant pour vous donner un aperçu de notre désert, où un bureau se libérera l'an prochain :






Un contrat est normalement un accord entre deux parties qui s'engagent à le respecter. En théorie.

En juin, l'URSSAF et les caisses ont mis ce contrat par terre, de manière unilatérale et sans réaction syndicale visible. L'URSSAF s'est assise sur son appel de cotisation de décembre 2017. Elle l'a remplacé par un nouvel avis : de 5908 €, je suis passé à 8888€ pour 2018. Il ne restait plus que 6 mois pour payer la différence, donc les prélèvements ont subitement doublé. Imaginez les réactions syndicales si on infligeait pareil traitement à un fonctionnaire de l'URSSAF ! Avec les travailleurs indépendants, tout est possible.

Ce doublement des prélèvements était en fait le résultat de plusieurs mesures, appliquées de manière rétroactives au 1er janvier 2018 :
  • hausse de 1,7 % de la CSG, comme c'est le cas pour tout le monde en France
  • baisse de 2,15 % de la cotisation aux allocations familiales, pour compenser
  • pour ceux qui ont signé le contrat incitatif : remplacement de la réduction de 5,25 % par la promesse d'une prime forfaitaire de 1000 €, versée par la CPAM en 2019 à une date inconnue.
Evidemment, ceux qui travaillent beaucoup sont perdants, comme toujours. Mais il y a un double effet Kiss Cool : la prime de 1000 € sera versée au titre de 2018, mais après l'année blanche, donc elle sera imposable ! Qui s'en soucie ? Qui trouve anormal qu'on change un contrat en cours de route et qu'on nous surtaxe en pleine année blanche, donc sans possibilité de déduire tout ça fiscalement ? Personne.

Cafouillages en série



Après ce coup de massue non déductible, l'URSSAF aurait pu rentrer dans le rang et attendre 2019 pour faire parler d'elle. Mais chez eux, c'est comme aux Galeries Lafayette : à chaque instant, il s'y passe quelque chose.

Vous connaissez la fameuse régularisation qui fait peur. Celle du mois de novembre. En général, nous sommes prévenus 10 ou 15 jours avant. C'est déjà court.

J'écris ces lignes le 8 novembre, donc après le prélèvement du 4ème trimestre. Je n'ai toujours aucune nouvelle de ma régularisation. Pas de courrier, pas de mail, pas de signaux de fumée, pas d'avis sur le site internet de l'URSSAF depuis le funeste coup de bambou de juin.

Pour certains, c'est pire, comme nous l'explique le SML dans son communiqué du 30 octobre : il semble que les recettes aient été confondues avec les bénéfices. Amusant, non ?

http://www.lesml.org/fr/13-communique-de-presse-du-sml.php

Ne sachant rien, j'ai calculé moi-même ma régularisation et j'ai provisionné le compte bancaire où l'URSSAF prélève sa dîme depuis 1664.

Quelle ne fut pas ma frayeur avant-hier en découvrant ceci sur leur site :

Malédiction, j'étais en retard ! Je voyais déjà venir les pénalités. Pénalités non déductibles, puisque nous étions encore en année blanche ! Tous les frais contraints sont une double peine en 2018.

Haletant, transpirant, le cœur à 140, j'ai cliqué sur "Payer", pour voir. Résultat :

Le néant, comme pour la régularisation. C'était juste pour me faire angoisser une minute.


Alors, l'URSSAF est-elle vraiment notre amie ?

Oui. Définitivement oui.

Explication bien-pensante : sans l'URSSAF, nos patients ne seraient plus remboursés, donc une bonne partie d'entre eux renonceraient aux soins et nous n'aurions plus qu'à fermer.

Mais il y a mieux. Avec l'URSSAF, il y a toujours du suspense, des surprises, des rebondissements. Côtoyer ces amis, c'est vivre dans un roman de Stephen King. Les salariés n'ont pas ce privilège, accordé uniquement aux indépendants et aux employeurs.

Rien n'est jamais sûr, avec l'URSSAF. Essayez de changer de département, vous aurez des chances de passer plusieurs mois sur des montagnes russes. Et ça, ça n'a pas de prix.

En un mot : avec notre amie l'URSSAF, la vie prend tout son sel.

jeudi 11 octobre 2018

Comment préparer son avenir quand on exerce en libéral ?


Dans mon article précédent, je vous ai expliqué pourquoi il me paraissait nécessaire de préparer nos vieux jours. La CARPIMKO ne nous donne qu'un petit socle, pour autant qu'elle survive à la grande réforme des retraites qu'on nous annonce pour 2019. Il est donc indispensable de compléter cette petite protection sociale par soi-même.

C'est plus facile pour nous, les libéraux : nous travaillons autant que nous le voulons et nous avons une demande de soins quasiment infinie dans la plupart des endroits de France. Quand on y pense, c'est vraiment une situation enviable, d'autant que la sécu et les mutuelles rendent nos patients solvables.
Nous pouvons aussi réduire notre taux de charges professionnelles (voir cet article) pour dégager une capacité d'épargne. Beaucoup se contentent de 50 % de leur recette. D'autres gardent 70 % de chaque acte pour eux.

Nous pouvons aussi réduire nos dépenses privées

Quelques exemples :
  • changer très régulièrement de compagnie d'assurance, parce qu'elles aiment nous attirer avec un prix bas et nous matraquer par la suite ;
  • prendre une banque en ligne ;
  • ne plus avoir de téléviseur pour échapper à la redevance télé qui ne finance que les chaînes d'Etat ;
  • arrêter de fumer ;
  • profiter des achats groupés pour réduire les notes de gaz et d'électricité ;
  • prendre un forfait de téléphonie promotionnel : SFR et Bouygues proposent périodiquement des forfaits illimités à 5 € à vie, avec 20 ou 30 Go d'internet ;
  • faire la chasse aux abonnements superflus, notamment en musique et en vidéo ;
  • faire les courses au drive pour ne pas être tenté dans le magasin ;
  • ne pas se promener sans but sur les sites d'e-commerce ;
  • lire des ebooks, plutôt que des livres papier ;
  • ne pas participer à la course à la nouveauté : mon iPhone 5S de 2013 fonctionne encore très bien avec iOS 12. Et ma chaîne hi-fi de 1993 donne toujours un aussi bon son. C'est juste mon téléphone qui lui dit ce qu'elle doit jouer.
Les plus radicaux se mettent au frugalisme dans une tiny house, c'est très à la mode en ce moment.


En augmentant vos revenus et en réduisant vos dépenses, vous pourrez créer la cagnotte de la liberté dont je parlais dans cet article : combien de séances un orthophoniste doit-il pratiquer par semaine ?

Mais une fois qu'on a dit ça, on se retrouve comme Christopher McCandless devant une rivière torrentueuse en Alaska (si vous n'avez pas encore vu Into the Wild, je vous le recommande chaudement).


Faut-il prendre le risque de se jeter à l'eau ? Comment faire pour rejoindre l'autre rive sans encombre ? Y a-t-il un passage plus facile quelque part ? Comment s'y prendre quand on a d'autres priorités dans la vie et qu'on n'a reçu aucune formation financière ?

Aujourd'hui, j'entre donc dans le concret : après le "pourquoi", il est temps de s'intéresser au "comment". Et puisque nous n'avons pas tous le même goût pour l'économie, je vous indiquerai les solutions les moins chronophages... et les autres.

Mais d'abord, un peu de géométrie :


C'est bien connu, surtout ici en Normandie : on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Ce triangle en est l'illustration. Tous les placements peinent à se positionner en plein centre pour cumuler sécurité, liquidité et rendement. Vous pouvez néanmoins vous y mettre en vous diversifiant. C'est ce que cherchent beaucoup de Français avec leurs deux placements fétiches :
  • L'immobilier locatif : rentable si l'emplacement et le locataire sont bien choisis, moins volatil que la bourse, mais impossible à vendre du jour au lendemain, surtout si le locataire s'accroche. Ce type de placement se situe donc en bas du triangle.
  • Les fonds en euros des assurances vie : beaucoup de sécurité et de liquidité, mais leur rendement net tourne maintenant entre 1,5 et 3 % seulement. Ces placements sont donc sur l'arête droite du triangle.
Le côté gauche du triangle fait peur aux Français : là, c'est un peu le rendez-vous en terre inconnue.


En 1990, après les vagues de privatisations, le pays comptait 7 millions d'actionnaires individuels. Il n'en reste que 3 millions (voir ici). L'alourdissement impressionnant de la fiscalité du capital et les krachs boursiers sont passés par là. Les actions détenues en direct ou dans des fonds ne représentent plus que 13 % des placements financiers. Pourtant, le patrimoine de la CARPIMKO se compose à 40 % d'actions et 44 % d'obligations, contre 9 % seulement d'immobilier (source : son dernier bulletin, page 7).

Mettons un peu d'ordre, de logique et de perspectives.

Si on regarde les choses froidement, le côté droit du triangle devrait être réservé à l'épargne de précaution (ex : jambe cassée, cabinet inondé) et à la consolidation nécessaire en fin de carrière. A 60 ans, il est temps de penser à rapatrier ses actifs dans des placements sans risques excessifs. Mais à 25 ans, miser sur les fonds en euros des assurances vie pour ses vieux jours est illogique, puisqu'ils ne rapportent plus grand-chose. Un rendement minable impose un effort d'épargne gigantesque.

Pourquoi épargner comme une grand-mère quand on est née dans les années 90 ? Autant se teindre les cheveux en gris-mauve, s'habiller chez Damart, se chausser chez un vendeur de matériel médical et regarder Motus dans un canapé en velours beige (amis des clichés, bonjour) !

Pendant la majeure partie de sa carrière, il faut absolument viser la rentabilité. Deux côtés du triangle y mènent : le bas et le gauche. Commençons par le bas.

Comment préparer son avenir avec l'immobilier ?

Je ne m'étendrai pas ici sur la résidence principale. On peut  la considérer comme un placement pour ses vieux jours puisqu'elle permet d'éviter de payer un loyer quand le crédit est terminé. Mais cet achat dépend de beaucoup de paramètres personnels, dont le besoin de mobilité du conjoint. Elle peut devenir une véritable entrave aux évolutions de carrière d'un salarié.

Considérons donc plutôt l'immobilier locatif. Le principe a de quoi tenter : l'achat est avancé par une banque avec des taux qui restent extrêmement bas à l'heure actuelle. Le remboursement, lui, est co-financé par le locataire et parfois le fisc.

Avant de vous lancer dans un achat d'appartement, il faut évidemment considérer l'emplacement et la demande locative, mais aussi tous les frais (taxe foncière, charges de copropriété non récupérables, assurances, entretien, remboursement du crédit, agence, huissier et avocats si ça se passe mal). Calculez si vous pourrez tenir le coup en cas d'absence de loyer. Quand on entre dans un tunnel, il n'y a pas toujours une sortie tous les 10 mètres. Un achat immobilier (ou un locataire) mal choisi peut vous pourrir la vie, au lieu de l'embellir. Les journaux télévisés aiment parler des infâmes marchands de sommeil, mais ils insistent moins souvent sur ce genre de situation :


A l'inverse, l'immobilier peut devenir un vrai bonheur, avec un rendement infini si c'est une opération blanche. Voici deux vidéos qui expliquent bien ce concept et qui sont très instructives sur les simulations à effectuer avant de se lancer :



Mais même sans atteindre ce nirvana de l'opération blanche, si tout se passe bien vous vous retrouverez à la fin du prêt avec un capital. Il aura été boosté par l'effet de levier du crédit (voir ici pour mon article sur ce concept) et par le co-financement du locataire.

L'Etat peut aussi vous aider. Il a mis en place différents dispositifs fiscaux incitatifs (voir ce site pour tous les détails) :
  • la loi Pinel (et sa variante Pinel Outre-Mer), pour l'immobilier neuf dans les zones à forte demande
  • la loi Malraux, pour des logements à rénover dans des "sites patrimoniaux remarquables"
  • la loi Monuments historiques, créée en 1913 pour aider ceux qui restaurent et louent ce type de bâtiment.
  • les statuts de loueur de meublé professionnel / non professionnel qui fonctionnent dans le neuf et dans l'ancien
  • la loi Bouvard-Censi, dédiée à l'immobilier meublé neuf (ou réhabilité) dans une résidence de services pour étudiants, pour personnes handicapées ou pour seniors, voire un EHPAD. Pour les résidences de tourisme, le dispositif a été modifié (voir ici).
Attention, tout de même : dans certains programmes défiscalisants, l'avantage fiscal est compris dans le prix d'achat. Quand c'est le cas, c'est juste un attrape-nigaud : au lieu d'apporter votre obole à l'Etat français, vous enrichissez un promoteur, mais le résultat est le même pour vous.

Comment faire de l'immobilier sans se soucier du quotidien ?

Le locataire qui vous embête avec un robinet qui fuit n'est pas une légende. D'ailleurs, je vis ça en ce moment. Ma locataire a laissé un robinet prendre du jeu. Au lieu de chercher à comprendre et de revisser l'écrou de la tige filetée du dessous, elle a décidé qu'elle n'y connaissait rien. Elle a laissé l'eau s'infiltrer et la rouille s'installer. Maintenant, tout est grippé et elle veut un robinet neuf.

Comment éviter ce genre de petit souci qui transforme un placement en contrainte, alors que nous subissons déjà beaucoup de stress au travail ?

La gestion par une agence est la première idée qui vient à l'esprit. Mais le rendement en prend un  coup, même si elle fait son travail correctement.

L'investissement en loi Bouvard-Censi est aussi un gage de tranquillité, puisque le locataire est la société qui fournit les services. Elle sous-loue les appartements à leurs occupants. En tant que propriétaire, vous n'avez affaire qu'à elle. Votre appartement n'a plus de sous-locataire ? Qu'à cela ne tienne, votre loyer ne change pas.
Mais pour ne s'occuper de rien, il existe une idée plus originale : la SCPI. J'ai consacré plusieurs articles aux Sociétés Civiles de Placement Immobilier (voir ici pour le premier). En résumé, ce sont des regroupements de milliers d'actionnaires qui possèdent des dizaines de biens locatifs en France et/ou à l'étranger. Le risque d'absence de loyer est donc mutualisé et atténué. Vous n'êtes pas en première ligne. Vous l'êtes d'autant moins que vous ne gérez rien : c'est une société de gestion qui le fait pour vous et qui vous reverse les loyers (on parle plutôt de dividendes, mais c'est la même chose).

Les SCPI les plus courantes possèdent des locaux commerciaux et des bureaux. Il existe aussi des SCPI défiscalisantes, basées sur les dispositifs fiscaux que j'ai listés plus haut.

J'ai acheté mes parts de SCPI grâce à un conseiller en gestion de patrimoine indépendant. Il existe aussi des courtiers en ligne : mes-placements.fr, monfinancier, meilleureSCPI, etc. Les banques en vendent également.

Vous pouvez acheter vos parts à crédit, ou sans. Dans ce dernier cas, vous pouvez les héberger dans un contrat d'assurance vie pour défiscaliser les dividendes. La plupart des bons contrats d'assurance vie proposent des SCPI à l'heure actuelle.

Faut-il fuir la bourse comme la plupart des Français ?


Toutes les études le montrent : sur le long terme, les actions restent un excellent placement, rentable et liquide. C'est un peu moins vrai pour les obligations. La CARPIMKO ne s'y trompe pas, puisqu'elle investit massivement ses réserves en bourse comme nous l'avons vu.

Mais être actionnaire en direct, c'est un travail. Avant d'y investir, il faut bien analyser les sociétés ou les fonds (SICAV, OPCVM, sortes de portefeuilles d'actions et/ou d'obligations gérés par des professionnels). Il faut acheter au bon moment. Il faut ensuite surveiller ce qui s'y passe et voter aux assemblées générales. Enfin, il faut savoir bien vendre, en tenant compte des plus-values et des dividendes perçus. Tout cela s'apprend. Il existe des tas de livres, de revues (ex : Investir, Mieux Vivre votre Argent, le Revenu) et de sites internet sur ce sujet. Ça peut devenir un réel plaisir.

Si vous ne voulez pas y consacrer le temps nécessaire, vous pouvez passer à la partie suivante.

Sinon, voici les conseils de base que j'ai lus un peu partout :
  • Faites la chasse aux frais. Logez vos titres ou vos OPCVM dans un compte titre, un PEA ou une assurance vie à bas coût. On trouve surtout ça sur le web (ex : Fortuneo, Boursorama, etc.). Le PEA et l'assurance vie permettent de défiscaliser les gains. Mais le compte titre classique donne une liberté totale de manœuvre sur les marchés du monde entier.
  • Ne cherchez pas à faire des coups, vous finirez par perdre comme au casino. Même des gens aguerris comme M. Kerviel s'y sont cassé les dents. Misez plutôt sur le long terme : c'est là où les actions sont imbattables.
  • Ne négligez pas les dividendes versés par certaines entreprises : la plus-value ne fait pas tout.
  • Diversifiez vos investissements. Ne placez pas tout sur une seule entreprise, ni même sur un seul secteur d'activité ou sur un seul pays.
  • Investissez régulièrement pour lisser l'effet de yoyo de la bourse. Vous profiterez des soldes quand ça baissera.
  • Sachez prendre vos bénéfices en vous fixant des objectifs à l'avance. Si vous avez fait +50 % et que le cours plonge ensuite, votre gain sera juste resté virtuel.
Comment bénéficier de l'excellent rendement à long terme des actions quand on n'y connaît rien ?





Vous êtes vaguement tenté par les actions et les obligations, mais vous n'y connaissez rien et vous n'avez aucune envie de passer plusieurs années à apprendre ?

Il y a des solutions à votre disposition.

Vous pouvez décider de déléguer la gestion de votre PEA, de votre compte titre et/ou de votre assurance vie à des professionnels. La plupart des banques proposent des "gestions sous mandat" (voir par exemple ici pour Fortuneo). Vous pouvez même leur dire que vous souhaitez telle ou telle dose de risque, voire que vous acceptez uniquement des entreprises socialement et écologiquement responsables. A eux de se débrouiller au quotidien à votre place. Depuis quelque temps, ils sont concurrencés par les robo-advisors (voir un comparatif ici) : des sites internet basés sur des algorithmes de gestion qui se veulent puissants, intelligents... et moins chers.

Vous pouvez opter pour une tontine au Conservateur), qui est le comble de la gestion déléguée : vous vous engagez à bloquer votre argent pendant 10 à 20 ans. Soit vous y faites un gros versement dès le début, soit vous y investissez régulièrement. La compagnie fait sa sauce, puis elle revient à la fin avec un chèque pour ses clients encore vivants. Évidemment, le gros inconvénient reste l'absence de liquidité. La tontine n'est pas sur le côté gauche du triangle, elle est en bas.

Vous ne voulez pas payer des professionnels, vous voulez de la liquidité, du rendement et ne rien gérer au quotidien ?
 Vous, vous êtes sûrement  un client d'Hassan Céhef.


Oui, c'est possible ! Cela s'appelle l'investissement passif. J'y ai consacré deux articles (voir ici et ici). En résumé, un investisseur passif part du principe qu'il ne fera jamais mieux que l'intelligence collective du marché et qu'il n'a qu'à suivre les indices en achetant des trackers, appelés aussi ETF (Exchange Traded Funds).

ETF, quésaco ?

Ce sont des fonds à frais très réduits qui se contentent de suivre les indices boursiers. On peut les acheter comme on achète une action Total ou LMVH. L'investissement passif le plus simple consiste à acheter un ETF qui réplique l'indice des bourses mondiales, le MSCI World. C'est un peu le CAC 40 de la planète entière. Les bonnes assurances vie proposent généralement un ETF de ce genre. Certains d'entre eux sont même éligibles au PEA (un exemple ici), grâce à un tour de passe-passe néanmoins légal. En fonction de votre peur du risque et du cycle économique, vous pourrez assortir cet ETF d'un zeste de fonds en euros.

Et c'est tout. Vous y mettez de l'argent régulièrement, vous regardez de temps en temps (surtout pas tous les jours), et ça suffit !

Bien sûr, vous pourrez par la suite remplacer votre unique ETF par d'autres, par exemple pour arbitrer entre les différents continents ou pour privilégier certaines thématiques. Il y existe des tas d'indices à suivre. Mais ce n'est pas une obligation.

Petit bémol : dans les périodes où les indices stagnent, ceux qui sont plus sélectifs peuvent gagner davantage. Mais ils peuvent aussi perdre davantage.

Si vous voulez en savoir plus sur l'investissement passif, je vous recommande chaudement les deux livres d'Edouard Petit. Le premier se présente comme une entrée en matière pour les débutants. Le second va plus loin. Cet auteur diffuse aussi un petit guide gratuit, accessible sur son site (je précise que ce ne sont pas des liens affiliés, je n'ai aucun rapport avec cet auteur).



En résumé, tout est entre nos mains, comme toujours

Nous pouvons choisir de faire confiance à la CARPIMKO (ne riez pas). Seconde option, très répandue : prendre une prévoyance Madelin pour les coups durs, un peu d'assurance vie sans risque et éventuellement un studio en ville. Troisième idée : sortir des sentiers battus et mettre en place un plan de bataille plus offensif, une véritable stratégie pour s'affranchir de l'impéritie du système obligatoire français. Il n'y a même plus besoin d'y consacrer du temps ! La vie est belle, décidément.





mardi 2 octobre 2018

Faut-il préparer ses vieux jours ?



Beaucoup de jeunes Français pensent qu'ils n'auront pas de retraite. La plupart de nos stagiaires en sont persuadées, ou voient ça de très loin. Pour elles, c'est surtout un privilège que l'on accorde aux générations nées jusqu'aux années 50. Et ensuite, tout partira en capilotade. Corollaire : elles finiront comme les fringants commerçants et artisans d'âge canonique mais encore actifs, dont raffole le JT de 13h de TF1. Le tout sera de conserver la santé jusque là. J'espère qu'elles mangent bio.

Avantage de cette idée, qui est peut-être la vôtre : paradoxalement, c'est un soulagement. Inutile de s'inquiéter pour les régimes de retraite. Partons du principe que nous payons juste pour les retraités actuels et que nous sortirons du cabinet les deux pieds devant. D'ici là, nous aurons travaillé de plus en plus pour compenser le gel de nos lettres-clés, avec des prises en charge de plus en plus lourdes qui auront absorbé notre élan vital, séance après séance. Version un peu plus joyeuse : nous trouverons une autre activité moins usante, qui nous permettra de durer. Le groupe Facebook "Orthophonie et reconversions" nous fournit déjà des pistes.


Évidemment, ce n'est pas le discours de ceux qui nous dirigent : ils disent qu'ils agissent pour pérenniser le modèle social généreux et solidaire que nous a légué le Conseil national de la Résistance, totem incontournable.

Alors qui a raison ? Pouvons-nous faire confiance à la CARPIMKO, qui se présente comme une institution sérieuse ? Si non, devons-nous travailler davantage pour épargner, afin de créer des revenus complémentaires ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle, au moins ? Comment mettre en place une retraite par capitalisation ? Faut-il s'en méfier ?

Je réfléchis à ces questions depuis mon installation en 1994, quand la glorieuse Armée française m'a rendu ma liberté. Voici donc l'état actuel de mes réflexions d'orthophoniste lambda, qui ont évolué au fil du temps. Dans ce premier article, j'analyserai le problème. Dans le suivant, je vous exposerai les solutions.

Commençons par la question de base qui ressemble aux "sondages" amusants du 12.45 de M6 (oui, j'ai une dent contre les JT français) :

La CARPIMKO est-elle un organisme digne de confiance ?

Je ne vous apprends rien : cette assurance obligatoire (et fière de l'être) vous ponctionne des sommes importantes. Il faut donc s'y intéresser, même si ce n'est pas votre grande passion. Vous avez sûrement remarqué que ses avis de prélèvements peuvent occasionner un sacré coup au moral. C'est aussi cette caisse qui vous assure l'hilarité, la pitié ou la commisération de vos interlocuteurs quand vous dites que vous avez 90 jours de carence en cas de maladie !



Mais revenons à la retraite, et tentons de comprendre comment la CARPIMKO fonctionne. Rassurez-vous, je vais faire court.

La Caisse Autonome de Retraite et de Prévoyance des Infirmiers, Masseurs Kinésithérapeutes, pédicures-podologues, Orthophonistes et orthoptistes a été créée en 1948 (source : Wikipedia). Elle existait donc avant la reconnaissance officielle de certains métiers, dont l'orthophonie.

Au départ, elle ne comportait qu'un régime de retraite : le régime de base. Il est maintenant géré par la CNAVPL, qui s'occupe des vieux jours de la plupart des professions libérales. La CARPIMKO n'est que le percepteur, à présent. Ce régime fonctionne comme l'URSSAF, avec des cotisations provisionnelles et des régularisations l'année suivante. C'est donc lui qui peut faire exploser les cotisations en fin d'année. Notons qu'il surtaxe les bas revenus : il prend 10,1 % de vos 39 228 premiers euros, mais seulement 1,87 % de ce qui dépasse (avec un plafond à 196 140 €). Malheureusement, la frontière entre ces deux taux monte tous les ans. Elle suit l'évolution de l'AMO du plafond de la sécurité sociale.

En 1955, une seconde couche de protection a été ajoutée : le régime complémentaire. Celui-ci reste directement géré par la CARPIMKO. Il comporte une cotisation forfaitaire qui augmente de manière sidérante chaque année. Actuellement, elle est à 1536 € par an. Il vous prend aussi 3 % de tout ce qui dépasse 25246 €, avec un plafond à 166 046 €.

Vous aurez remarqué que les plafonds sont idéalement situés : ils sont hors d'atteinte pour l'écrasante majorité des paramédicaux !

Enfin, en 1962, le régime des praticiens conventionnés a été créé. On l'appelle aussi "avantage social vieillesse" (ASV) parce que la sécurité sociale participe fortement à nos cotisations. Oui, nous avons des avantages sociaux ! Ce régime commence par vous prendre 192 € forfaitaires par an. La sécu y ajoute 384 €. Vous versez aussi 0,16 % de votre bénéfice. L'assurance maladie abonde de 0,24 %.

Le principe de l'ASV ressemble un peu aux avantages que peuvent avoir les salariés avec les chèques vacances ou l'épargne salariale, quand leur patron ajoute un abondement bien agréable. Le problème, c'est qu'en 2008, ce régime a failli faire faillite. Une réforme a été mise en place dans l'urgence, divisant par deux la valeur du point et attribuant trois fois moins de points qu'avant, pour chaque euro cotisé. Le rendement a donc été divisé par six, comme ça, d'un coup.
Cette catastrophe de 2008 nous a prouvé qu'aucune confiance ne pouvait être accordée à la retraite par répartition. D'autant qu'elle ne lésait que les actifs : les points acquis avant 2008 sont restés à l'ancien montant de 2,60 €, contre 1,20 € en 2009. Les retraités n'ont donc pas vu baisser leur pension.

C'est d'ailleurs un principe général : la valeur des points des trois régimes augmente sans cesse, comme les cotisations, alors que les lettres clés des cotisants restent bloquées. Les actifs sont les vaches à lait inépuisables du système. Il y a deux ans, je vous montrais déjà (voir ici) que pour un revenu de 30 000 € annuels, la CARPIMKO vous prenait 5 465 €, alors qu'elle se serait contentée de 3 592 € en 1990, inflation incluse ! Ceci mérite bien le retour de notre jovial ami barbu :

La CARPIMKO, c'est mieux que l'intégrale de Gad Elmaleh.

Nous avons affaire à une caisse qui respecte les principes sacrés du CNR, comme il se doit. Elle se drape dans la solidarité intergénérationnelle pour prendre toujours davantage à ses cotisants. Vous pourriez donc me rétorquer que c'est un mal pour un bien et qu'il suffit d'attendre ses vieux jours pour passer du bon côté de la CARPIMKO. Cela nous amène à nous poser la question suivante :
Combien toucherons-nous ?
Malheureusement, on ne peut pas dire que la CARPIMKO assure une retraite dorée à nos aînés, malgré les conditions nettement meilleures qu'ils ont connues : la pension brute moyenne des anciens orthophonistes s'élève à 915 € par mois, soit 831 à 846 € nets selon le taux de CSG appliqué (source : le dernier bulletin de la caisse). Il faut dire que nos anciens n'ont cotisé en moyenne que 23,76 ans, au lieu des 43 exigés pour une retraite à taux plein.
Mais justement, qu'en est-il du taux plein ?

A l'heure actuelle, si vous avez un bénéfice de 30 000 €, la CARPIMKO vous promet 378 € de retraite annuelle nette (source : mon appli pour iPhone, basée sur les montants communiqués par la caisse). Sur 43 ans de carrière avec ce même revenu, cela fait 16 254 €, soit 1 355 € par mois en euros constants. Cette fois, nous parlons bien de taux plein ! 

Bien évidemment, même si vous vous maintenez à 30 000 €, vous toucherez moins que cela : le rendement de la CARPIMKO baisse mécaniquement chaque année.
Facteur aggravant : les réformes, qui sont en fait des détériorations, se succèdent à un rythme amusant. Quand elles ne touchent pas la caisse, elles s'attaquent à la CSG ou à la création de nouvelles taxes (ex : la CASA, qui soulage les retraités de 0,3 % de leur pension). Nous n'avons donc aucune visibilité, d'autant que le gouvernement souhaite une réforme d'ensemble du système français. Vous pouvez lui donner votre opinion sur ce site. Il faut savoir que le pays dépense 14 % de son PIB dans la retraite, contre 10 % en moyenne dans le reste de l'OCDE. En outre, les Français passent en moyenne 5 ans de plus en retraite que la moyenne. Nous allons donc vers un endettement massif, ou vers des réformes d'ampleur qui n'épargneront pas la CARPIMKO.
Au final, les 1 355 € restent une promesse qui n'engage que ceux qui y croient. 
En fait, nous n'avons aucune idée de ce que nous toucherons, sauf si nous sommes en fin de carrière (et encore...). Nous savons juste combien nos anciens touchent actuellement avec nos cotisations. Nous connaissons aussi les sommes qui partent vers les autres retraités français, au titre de la compensation entre les caisses. Je vois mal quel avantage indu nous devons "compenser", mais c'est comme ça depuis 1974. Les professions jeunes renflouent celles qui comportent plus de retraités.

La retraite par capitalisation est-elle une solution ?



En France, nous n'avons pas de fonds de pension à l'anglo-saxonne, parce que c'est le mal incarné, comme chacun sait. Les débats sur ce sujet ont été houleux dans les années 90. Plus personne n'ose en parler.

Mais au fil des décennies, les Français ont bien vu la dégradation de la retraite obligatoire. Ils ont pris peur et ont épargné massivement, dès qu'ils le pouvaient. L'assurance vie est devenue leur placement de long terme préféré, à côté de l'immobilier. En tant qu'indépendants, nous avons aussi accès aux contrats Madelin, véritables produits tunnels dont nous ne pouvons sortir qu'en rente. Il existe aussi les PERP, créés sur un principe similaire pour l'ensemble de la population. Tout cela va être remanié par la loi Pacte, qui arrive au Parlement.

Je détaillerai les différentes pistes d'épargne à long terme dans mon prochain article. Mais les plus pessimistes d'entre vous voient déjà la faille de tous ces dispositifs : pour qu'ils améliorent significativement notre future retraite, ils doivent comporter une part de risque. Et donc, on ne peut pas non plus leur accorder une confiance aveugle pour nos vieux jours. Les krachs boursiers, obligataires et immobiliers ne sont pas rares.

Rappelons aussi que pour dégager 1 000 € de rendement par mois, un placement peu risqué à 2 % doit avoir capitalisé 600 000 €. Autant dire que pour la plupart d'entre nous, cela reste inaccessible.


Alors sommes-nous condamnés à travailler jusqu'à ce que mort s'ensuive ?




On pourrait le penser, puisque la retraite par répartition n'est pas fiable et que la capitalisation l'est encore moins. Malgré tout, si nous n'avons aucun pouvoir sur l'évolution de la CARPIMKO, nous pouvons décider de travailler suffisamment pour épargner, en nous fixant des objectifs et en utilisant des effets de levier. L'Etat nous y incite lui-même, en proposant une pléthore de niches fiscales visant à flécher notre effort vers les domaines qui l'intéressent (ex : le cinéma, les entreprises innovantes, l'Outre-Mer, les PME, l'immobilier locatif dans les zones à forte demande, etc.).

La CARPIMKO n'est finalement qu'un petit socle sur lequel nous pouvons bâtir à notre guise. Quand notre caisse de retraite préférée achète des actions, elle ne nous demande pas notre avis. Son patrimoine est constitué à 40 % d'actions et à 45 % d'obligations, que vous le vouliez ou nous. Mais sur la partie capitalisation, nous sommes libres. C'est un privilège que nous avons, par rapport aux salariés : nous pouvons décider de travailler suffisamment pour dégager une capacité d'épargne, puis la répartir à notre guise. Cela peut s'avérer passionnant. Et surtout, cela augmente nos chances de pouvoir arrêter de travailler, le jour où nous en aurons assez.
Ce sera l'objet du prochain article : quel éventail avons-nous à notre disposition ? Comment défricher son propre chemin dans cette jungle ? Comment s'y prendre pour sortir des placements sans risque et sans rendement, même quand on n'y connaît rien ? Comment éviter de se mettre à la merci de locataires indélicats mais protégés par la loi ? Il existe des solutions à l'ensemble de ces questions.

mardi 11 septembre 2018

Le prélèvement à la source chez les libéraux



 
En France, le prélèvement à la source a été instauré par décret le 10 novembre 1939. Si, si, vous pouvez vérifier. C'était probablement plus urgent que le prolongement de la ligne Maginot dans les Ardennes... Le "stoppage à la source", comme on l'appelait, était un impôt simple : proportionnel, sans tranches, assis sur l'ensemble des rémunérations (source : l'Expansion). Il a même été maintenu après la débâcle du gouvernement de Vichy.

Bon, je pense que vous l'avez remarqué : ce stoppage a ensuite été... stoppé. En octobre 1948, la IVe République a réinstauré le décalage d'un an entre le revenu et le paiement de l'impôt. Mais le prélèvement à la source s'est mué en serpent de mer, comme le tunnel sous la Manche.

Ces deux grands rêves de l'humanité auront fini par devenir réalité !


Nous le savons maintenant : le dispositif est (probablement) prêt et 2018 sera bien une année blanche.

Ça a l'air simple, dit comme ça. Mais le diable se niche dans les détails. Vous pouvez lire ce bulletin officiel, si vous avec choisi Technocrate comme LV1 au collège. Mais alors éloignez les enfants agités, les oiseaux, le chat qui s'étale devant votre écran. Coupez Spotify. A la rigueur, mettez du Kitaro. Sa musique fait toujours du bien dans l'adversité.


Vous pouvez aussi lire la suite de cet article. Je vais tenter de vous expliquer en vrai français comment la réinstauration du prélèvement à la source va se passer concrètement pour nous.

En fait, nous sommes déjà prélevés à la source !


La source, c'est actuellement notre compte pro pour l'URSSAF et la CARPIMKO.

En 2018, nous payons les cotisations URSSAF de 2018. Nous leur faisons des acomptes, qu'ils appellent "cotisation provisionnelle". Le montant est estimé à partir du bénéfice de 2016. Le tout sera régularisé à l'automne 2019, suite à notre déclaration sur Net-Entreprises.

Le prélèvement à la source du fisc va fonctionner de la même manière. En 2019, il va prendre comme référence le bénéfice 2017 (puis celui de 2018 à partir de septembre), pour estimer 12 acomptes mensuels ou 4 acomptes trimestriels. Ce sera régularisé dans un sens ou dans l'autre à l'automne 2020. Amis des régularisations qui font peur, soyez heureux : en voici une de plus !

Notez que si vous percevez des revenus fonciers, ce sera exactement le même calendrier, tant pour l'impôt sur le revenu que pour les prélèvements sociaux.

Seconde remarque : si vous créez votre activité libérale en 2019 ou après, vous pourrez estimer vous-même votre bénéfice et verser des acomptes dès le début. Vous pourrez aussi choisir d'attendre le mois de septembre de l'année suivante pour tout régler en bloc.


Notre vie sera-t-elle simplifiée ?


Pas vraiment. Nous vivons en France, que diantre ! Ici, les chocs de simplifications sont aussi tangibles que le Graal.



L'Etat nous dit que le prélèvement à la source, c'est moderne parce que ça permet d'adapter l'impôt aux variations de revenus. C'est expliqué dans cette section du bulletin officiel. Nous pourrons simuler une modulation de nos acomptes et en faire la demande sur l'espace Particuliers du site impots.gouv.fr. C'est un dispositif particulièrement judicieux pour les consœurs enceintes, par exemple ; mais aussi pour ceux qui débutent et dont l'activité se développe à grande vitesse. C'est souvent le cas chez les médecins et les paramédicaux libéraux.

Pour augmenter vos acomptes, il n'y aura aucune condition préalable, bien entendu : l'Etat aime votre argent. Mais si vous voulez moduler à la baisse, il faudra que cela représente au moins 10 % ou 200 € de diminution de l'impôt annuel. Le problème, c'est que si vous sous-estimez trop vos revenus, il y aura des pénalités.

Êtes-vous prêt à prendre le risque de vous tromper ?



Moi non. Si mes revenus baissent, j'attendrai sagement la fin de l'année suivante pour avoir une régularisation dans le bon sens. Et s'ils montent, je mettrai le surplus de côté pendant un an et demi, au lieu de le verser directement dans le tonneau des Danaïdes.

N'attendez pas non plus de modernisation en ce qui concerne vos déclarations. Les 2035 et 2042 sont des dures à cuire. Vous continuerez à les remplir (seulement la 2042 si vous êtes en Micro-BNC).

Voilà pour le monde merveilleux qui nous attend le 1er janvier. Mais qu'en est-il de la période de transition ?


Y a-t-il vraiment une année blanche ?





Le concept d'année blanche paraît merveilleux, à tel point que beaucoup de gens n'y ont pas cru au départ. Vous verrez plus loin qu'ils n'avaient pas complètement tort.

Si rien n'avait changé, nous aurions dû payer en 2019 l'impôt sur le revenu 2018. Mais finalement, nous paierons les acomptes 2019. Il aurait été difficile de nous faire payer deux impôts la même année. Donc celui de 2018 sera annulé.

Concrètement, le fisc va calculer un "crédit d'impôt modernisation du recouvrement" (CIMR) pour effacer l'impôt sur le revenu 2018. Malheureusement, la formule c'est pas : CIMR = Impôt sur le revenu 2018.

Le vrai calcul est celui-ci : CIMR = Impôt sur le revenu 2018 x (revenu habituel / revenu total)

Vous saisissez la subtilité, je présume ?

Dans cette formule, il y a une déception et un cadeau. Commençons par la déception : les bonnes nouvelles permettent d'oublier les mauvaises.

Le CIMR n'effacera pas complètement l'impôt sur le revenu 2018, parce que le fisc a voulu éviter l'effet d'aubaine de l'année blanche. Cette année, nous aurions pu améliorer artificiellement nos recettes. Par exemple, nous aurions pu arrêter de facturer nos séances pendant les deux derniers mois de 2017. Nous aurions pu aussi bloquer des dépenses pour les reporter sur 2019. Les salariés avaient beaucoup moins de possibilités que nous pour jouer à ce petit jeu. Nous n'aurions donc pas été tous égaux devant l'impôt, alors que ce point est un totem du Conseil constitutionnel.

Le CIMR n'annulera donc que les revenus considérés comme habituels. La meilleure des trois années précédentes (donc 2015, 2016 ou 2017) sera retenue comme base. Si nous avons un meilleur bénéfice 2018, nous resterons imposés sur le surplus. Nous paierons la note à l'automne 2019.

Il y aura tout de même moyen de négocier avec le fisc si nous pouvons prouver que le surplus correspond à une tendance ou à des événements indépendants de notre volonté.
Voilà comment l'année blanche est aussi grisâtre qu'un vieux t-shirt. Impossible de laver plus blanc que blanc. Coluche nous avait prévenus.


J'ajoute que Bercy a mis en place des règles spéciales sur les travaux effectués par les propriétaires bailleurs (à voir sur cet excellent site). Il y en a d'autres sur le PERP (à découvrir ici).
Malgré tout, je vous ai dit qu'il y avait un cadeau dans le CIMR. C'est suffisamment rare pour être signalé !

Le calcul du CIMR permet à l'Etat de taxer votre surplus selon votre taux d'imposition moyen (voir la définition ici). Mais d'habitude, les surplus sont taxés au taux marginal, nettement plus haut ! Si vous voulez décortiquer le mécanisme, vous pouvez lire cet article de cbanque.com. Je vous donnerai juste un exemple, très explicite.

Imaginons que la meilleure de vos trois dernières années affiche un bénéfice de 30000 € et qu'en 2018, vous soyez à 35000. Vous avez un "revenu exceptionnel" de 5000 €. Si vous êtes célibataire, vous êtes dans la tranche marginale à 30 % (voir le barème ici). Normalement, vous devriez payer 1500 € d'impôts sur ce surplus. 
Mais dans cette gamme de revenus, votre taux moyen est de 13,7 % : dans vos 35000 €, il y a tout le début de l'année qui est taxé à 0 %, le milieu à 14 % et seulement la fin à 30 %.
Au lieu de payer 1500 € au titre de 2018, vous allez descendre à 685 €. L'Etat vous fait donc un cadeau de 815 € sur 2018 ! Tant de bonté ne peut que nous émouvoir.


En parlant de bonté : qu'en est-il des niches fiscales ?

 

Le fisc l'a martelé : les réductions et crédits d'impôts acquis au titre de 2018 resteront acquis. Mais tel que le projet était initialement ficelé, les acomptes de janvier à août 2019 ne devaient pas en tenir compte. Cela revenait à avancer de l'argent à l'Etat.

Les médias ont surtout parlé de la niche des frais de garde d'enfants, qui concerne beaucoup de gens. On pouvait craindre un retour massif du travail dissimulé.

Edouard Philippe a donc rectifié le tir. Il a annoncé que le fisc verserait un acompte de 60 % le 15 janvier 2019 au titre des niches fiscales suivantes :
  • garde d'enfant de moins de 6 ans (crèche, centre aéré...)
  • employé à domicile (femme de ménage, aide soignante...)
  • investissement locatif (ex : dispositifs Pinel, Duflot, Scellier, investissement social)
  • dons aux œuvres et aux personnes en difficulté
  • dons à la recherche médicale
  • dons aux associations cultuelles
  • cotisations syndicales des salariés
(source : ultimea.fr)

Concernant les particuliers-employeurs, le dispositif d'acompte est spécial (voir ici), à cause de l'impréparation du système de déclaration.

Personne ne parle des achats de parts de SOFICA, de FIP ou de FCPI, ni des dépenses d'amélioration de la résidence principale. Je ne trouve pas non plus de confirmation concernant les lois Malraux, Girardin et Monuments historiques, qui ont probablement plus de chances d'être concernées par l'acompte de 60 % parce qu'elles impliquent un investissement locatif. Mais la liste exhaustive n'est pas encore parue au Journal Officiel, à ma connaissance.

Cela dit, que vous utilisiez une niche fiscale ou pas, il vous reste un choix urgent à faire. C'est l'objet de l'avant-dernière partie de cet article.


Quel taux de prélèvement choisir ?

Vous avez jusqu'à samedi, le 15 septembre 2018, pour choisir entre trois types de taux de prélèvement à la source pour l'année prochaine :
  • Le taux personnalisé normal : c'est celui que le fisc propose par défaut. D'ailleurs, la plupart des contribuables l'ont conservé. C'est le taux classique de prélèvement, appliqué indistinctement à tous les revenus du foyer fiscal (même si l'un de ses membres gagne beaucoup moins).
  • Le taux neutre : c'est un moyen de se protéger du regard de son employeur. C'est un barème national (voir ici). Un patron n'a ainsi aucun moyen de savoir que son collaborateur a une femme orthophoniste qui travaille beaucoup, par exemple ; ou qu'il perçoit d'importants loyers. Si le taux neutre est trop bas (ce qui est probable, sinon à quoi bon), le fisc puisera le complément sur votre compte en banque.
  • Le taux individualisé : cette dernière option est uniquement ouverte conjoints mariés ou pacsés. Elle permet à chacun de payer l'impôt en fonction de ses propres revenus. Mais le total sera le même qu'avec les autres taux, bien évidemment.
Si vous souhaitez aller plus loin avant de vous décider, Thibault Diringer a consacré un article très intéressant à ce sujet sur son site corrigetonimpot.fr.


Pourquoi l'Etat revient-il au prélèvement à la source, 70 ans après sa suppression ?


En tant que Gaulois réfractaires, nous pouvons douter de l'utilité du passage au prélèvement à la source :
  • Ce n'est pas une réforme fiscale. Elle change juste le mode de recouvrement.
  • Elle n'est pas moderne, puisque nos arrière-grands-parents l'ont connue.
  • Elle transforme les employeurs en receveurs des impôts, comme s'ils n'avaient que ça à faire. Ça leur coûte cher. Ça leur prend du temps. Un pays dont la compétitivité ressemble au Titanic peut-il se permettre de charger encore un peu plus la chaloupe des entreprises en tracasseries administratives ? J'ai récemment entendu un employeur, Laurent Vronski, dire qu'il avait autant besoin de cette réforme que de fourmis dans un sac de couchage.
  • Le prélèvement à la source pénalise les jeunes et avantage les nouveaux retraités, en supprimant le décalage d'un an. Il y a des gagnants (qui votent) et des perdants (qui s'abstiennent beaucoup plus).
  • On nous dit aussi que cette réforme nous aligne sur l'ensemble des pays modernes. Mais ils n'ont pas tous un impôt familial, qui transforme le prélèvement à la source en horrible usine à gaz. D'autre part, quand il s'agit d'effectuer les vraies réformes structurelles que les autres pays de l'OCDE ont mises en place depuis vingt ans, on ne trouve plus personne en France. Nous continuons à endetter nos enfants, tout en paupérisant les services publics. Nous nous moquons de ce qui a réussi ailleurs et en nous nous payons même le luxe de donner des leçons. Autrement dit, l'alignement sur nos voisins est encore un argument fallacieux.

Alors pourquoi l'avoir fait ? Nous entendons déjà parler des phases suivantes.
Tout d'abord, le prélèvement à la source permettrait d'individualiser l'impôt, en sortant du concept de foyer fiscal. Admettons. On peut imaginer que le quotient familial devienne une réduction d'impôt individuelle.
Mais voici le pire, pour les membres des classes moyennes et supérieures : le prélèvement à la source permet une fusion très facile de la CSG et de l'impôt sur le revenu. Si c'est pour transformer le second en flat tax avec une assiette large, pourquoi pas. Mais les choses étant ce qu'elles sont dans ce pays, c'est plutôt la CSG qui deviendra progressive comme l'impôt sur le revenu. Beaucoup de gens ne la paieront plus, laissant le soin à une minorité de la régler à leur place. Forcément, vous figurerez parmi cette minorité.
Et si le gouvernement actuel ne le fait pas, un autre le fera, au nom de la justice sociale et avec la bénédiction de Thomas Piketty. C'était d'ailleurs une promesse de campagne du précédent président. En attendant ce jour funeste, carpe diem !