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mardi 11 juin 2019

Elections à la CARPIMKO : les raisons d'hésiter



La CARPIMKO renouvellera une partie de son conseil d'administration le 21 juin. Pour ce faire, elle nous demande de voter. Vous avez certainement reçu des tracts, une enveloppe et un bulletin de vote. Si vous êtes orthophoniste, vous avez le choix entre la FNO, la FOF, le vote blanc et l'abstention. Chaque profession doit voter pour des listes soutenues par ses syndicats. Il n'y a pas de collège unique de tous les auxiliaires médicaux.

Loin de moi l'idée d'appeler à voter pour tel ou tel (qui serais-je pour ça ?), ni même d'appeler à voter tout court : chacun fait ce qu'il veut.

Je vais simplement vous faire part de mes hésitations, sachant qu'il reste dix jours pour se décider : la date ultime d'envoi du bulletin est le jeudi 20 juin. Vous vous posez peut-être les mêmes questions que moi :
  • A quoi sert cette élection ?
  • Les bulletins sont-ils vraiment différents ?
  • Je ne me reconnais dans aucun des syndicats, alors dois-je m'abstenir ?
  • Mon vote peut-il être récupéré comme un soutien à tel ou tel syndicat ?
  • On lit que cette année, c'est plus important que d'habitude. Pourquoi ? Est-ce la réalité ?
  • Pourquoi voter, si la CARPIMKO est appelée à disparaître dans la réforme Delevoye ? N'est-ce pas comme élire des députés européens britanniques, juste avant le Brexit ?
  • Pourquoi s'intéresser aux retraites alors que les jeunes sont surtout là pour payer les pensions des retraités actuels, sans aucune certitude de retraite pour eux-mêmes ?
  • Quel vote a le plus de chances d'éviter l'horrible cotisation à 28% qui tuerait tant de cabinets ?
Mais déjà, à quoi sert ce conseil d'administration ?

Ce sont des collègues qui prennent des décisions concernant les différents régimes de la CARPIMKO : retraite et invalidité-décès. Ils estiment avoir bien œuvré jusque là : régulièrement, ils mettent en avant des chiffres prouvant que leur gestion est meilleure que celle du régime général.

Malgré tout, le A de CARPIMKO signifie "Autonome". Elle n'est pas indépendante. Deux exemples :
  • Le régime de base de retraite est géré par la CNAVPL, dont la CARPIMKO n'est qu'une composante. L'argent de nos cotisations part dans un pot commun, avec celui des médecins, des dentistes, des vétérinaires, des agents d'assurances, des experts-comptables, des notaires, des architectes, etc (vois la liste exhaustive ici). Nous n'avons pas les mêmes intérêts que tous ces libéraux, parce que nos revenus sont plus bas que les leurs. Une partie des cotisations part même dans le tonneau des Danaïdes d'autres régimes, par solidarité.
  • En 2008, l'un de nos régimes de retraite, l'avantage social vieillesse (ASV), a vu son rendement subitement divisé par six, sans que la CARPIMKO ou nos syndicats puissent y faire quoi que ce soit. Ses réserves n'existaient presque plus. Le couperet est tombé d'en haut.
Dans ces conditions, à quoi cela sert-il de voter ? Et pour qui ?

J'ai longtemps pensé que voter à la CARPIMKO ne servait à rien. Et cette fois encore, c'est la première réponse qui m'est venue à l'esprit. Aux motifs que je viens de décrire, s'ajoute le fait que nous n'avons pas de vrai choix.

Vous savez que la FOF ne représente pas grand-chose. Mais comparons tout de même les deux programmes.




Évidemment, les deux commencent par l'équité et la solidarité. Deux étendards qui ne mangent pas de pain. Mais quand on compare les conditions que la CARPIMKO nous réserve avec celles que les retraités actuels se sont arrogées (retraite à 60 ans, deux fois moins de cotisations), il y a de quoi sourire. La retraite par répartition française, c'est tout sauf l'équité et la solidarité. Ou alors, à sens unique.

Les deux programmes demandent aussi le renforcement de l'ASV, dont j'ai parlé plus haut. Intérêt de la manœuvre : la sécu cotise aussi pour nous à ce régime, un peu comme les patrons qui cotisent pour leurs employés. C'est un des avantages de notre conventionnement. Mais rappelons que ce régime a été torpillé en 2008 et qu'il peut l'être à nouveau, sans coup férir. Alors à quoi bon renforcer quelque chose qui n'offre aucune sécurité ?

La FOF va même plus loin dans sa confiance envers notre système : elle revendique "l'abaissement du seuil d'accès la cotisation proportionnelle" du régime complémentaire. Cela mérite de s'y attarder une minute. 

Je vous donne quelques chiffres mais n'ayez pas peur, vous allez rire.

Actuellement, si votre bénéfice est inférieur à 25 246 € par an, le régime complémentaire vous prend 1 624 €. Au-dessus, il vous prend la même somme, à laquelle il ajoute 3 % de tout ce qui dépasse 25 246 €. Par exemple, si votre bénéfice est de 40 000 €, la formule est la suivante :

1624 + (40000 - 25246) x 0,03 = 2 067 €.

Bien évidemment, ces 3 % rapportent quelques points de retraite en plus. Attention, un point, c'est une promesse, rien de tangible. Mais la FOF croit à la retraite par répartition, elle y est même "attachée". Alors elle voudrait abaisser le seuil des 25246 pour forcer les moins fortunés à payer la cotisation à 3 % ! Pour elle, il est injuste de réserver l'accès à ce paradis à ceux qui travaillent davantage.

Autre point amusant : la FOF veut réduire le fameux délai de carence de 90 jours du régime invalidité-décès. D'où viendrait l'argent ? On n'en sait rien.


La FNO ne revendique rien de tel, fort heureusement : elle a besoin de conserver une image respectable. Elle préfère axer sa communication sur la réforme Delevoye qui sera présentée cet été. Pour mémoire, cette loi scélérate vise à nous prendre 28 % de notre revenu, en incluant même les charges sociales dans l'assiette ! Actuellement, nous tournons autour de 15 % du bénéfice.

Chaque année, nous travaillerons de janvier à avril pour les retraités. Ensuite, nous nous échinerons pour l'URSSAF, puis pour le fisc, puis pour les impôts locaux, tout en payant sans cesse de la TVA et de la TICPE...

La France, pour certains, ça devient Cuba sans le soleil.

J'ai publié ici un article et un tableau pour vous permettre de calculer votre propre hausse de cotisation, en l'état actuel de la réforme Delevoye.

Face à cette menace, est-il plus utile de voter cette année que d'habitude ?

C'est la rhétorique actuelle de la FNO. Elle dit que si l'abstention est massive, le gouvernement y verra un feu vert pour sa réforme et que dans ce cas, les 28 % sont assurés. Dans cette hypothèse, ce sera la faillite de beaucoup d'entre nous, dans l'indifférence générale.



La FNO est-elle un rempart contre les 28 % ? 

Déjà, on peut constater qu'elle parle plus de la réforme Delevoye que la FOF, dans les tracts que nous avons reçus. C'est une bonne chose.  D'ailleurs, les responsables de la FNO sont très conscientes de la menace.

Si je m'arrête là, je coche la case FNO et je poste mon bulletin de vote.

Mais plusieurs questions donnent encore des raisons d'hésiter :
  • Pourquoi la FNO cherche-t-elle à obtenir une hausse de l'ASV et/ou de l'AMO, au lieu de refuser le taux de cotisation unique pour tous les Français ? N'est-ce pas s'avouer vaincue d'emblée ?
  • Pourquoi n'y a-t-il pas un front commun de tous les travailleurs indépendants, pour lesquels cette réforme est un tsunami ?
  • Pourquoi aurions-nous confiance en l'ASV, après la réforme de 2008 ?
  • Un vote FNO sera-t-il interprété comme une adhésion au système de la retraite par répartition ?
  • Plus généralement, un vote FNO sera-t-il récupéré comme un soutien à sa politique (ex : l'acceptation du blocage des lettres-clés alors que les médecins sont régulièrement augmentés, ou encore le poids écrasant de l'exercice salarié dans les revendications) ?
  • Pourquoi avoir délégué la gestion du tsunami à la fédération fantomatique des praticiens de santé, la FFPS, qui n'a quasiment aucune existence faciale depuis sa création en 2017 ? Regardez sur Google, c'est inquiétant.
Si vous cherchez quelques éléments de langage de la FNO, vous en trouverez ici.

En tant que libéral, j'aurais tant aimé que nous revendiquions la liberté de cotiser où et comme nous l'aurions souhaité, avec un seuil commun incompressible (pour éviter les comportements dangereux des cigales et leur retournement contre les fourmis). Dans ces conditions, la fin de la CARPIMKO ou sa mise en concurrence avec d'autres caisses européennes m'aurait réjoui. Mais redescendons sur terre. Il paraît que nous sommes attachés à notre système de retraite.



Alors au lieu de revendiquer la liberté, nous acceptons la fuite en avant dans le système actuel, avec la création d'un monopole d'Etat qui aligne tout le monde, moyennant d'incertaines concessions. Rien ne nous dit que nous les obtiendrons, donc nous acceptons peut-être le principe de la réforme pour rien. Et même si l'ASV vient compenser le passage à 28 %, rien ne dit qu'il ne sera pas détruit à nouveau un jour. Il suffira d'un décret, comme en 2008.

En même temps, s'abstenir ou voter blanc, c'est laisser croire qu'on s'en moque. On peut se moquer de sa retraite : beaucoup d'entrer nous ont admis l'idée que c'était juste une cotisation pour les seniors actuels. Mais peut-on se moquer de la cotisation à 28 % ?

Cruel dilemme...