La
FNO-seul-syndicat-représentatif-de-la-profession-d'orthophoniste
(locution aussi invasive qu'une publicité pour Carglass), se prépare à tenir son
26ème congrès à Saint-Malo, de jeudi à samedi. Il ne s'agit pas d'un
congrès scientifique, mais d'un congrès fédéral, dont vous trouverez le
dossier de presse ici :
http://www.fno.fr/wp-content/uploads/2013/05/201306_dp_sm.pdf
"Du
passé faisons table rase" : cet extrait de l'Internationale semble être
le slogan de cet événement, concernant la partie focalisée sur la
fédération elle-même. Sa présidente, Madame Denni-Krichel, va quitter
ses fonctions après trois mandats. Elle n'est pas la seule : 2/3 des membres du
bureau fédéral ne souhaitent pas continuer ! Reste à savoir si le tiers
restant trouvera grâce aux yeux des congressistes. Le dossier de presse parle d'un bureau "profondément
renouvelé". Reste à savoir si la nouveauté constituera un avantage ou un
handicap. Les mois à venir seront probablement intéressants.
En
tout cas, nous allons être privés de l'expérience de plusieurs membres
chevronnés. Saluons les avancées majeures du dernier mandat : le master
bien sûr, mais aussi +4% sur l'AMO, le reste de l'avenant n°13
(prévention, aides à l'installation dans les déserts orthophoniques), ou
encore la participation des caisses au financement de nos retraites
(ASV,
voir mon post de juillet 2011).
Les
débutants du nouveau bureau ne seront pas complètement libres de leurs
agissements : un cadre lui sera imposé. Ce texte, qui établit les
grandes lignes des trois ans à venir, s'appelle "le texte
d'orientation". Après plusieurs mois de remaniements et de navettes
entre Paris et les syndicats régionaux, il sera voté cette semaine au
congrès. Chaque adhérent l'a reçu, pour être en mesure de le lire et de
le voter ou non lors de l'assemblée générale de son syndicat régional.
D'emblée,
la version actuelle du texte donne le ton : s'il est voté, la FNO
cherchera à utiliser le fait que nos jeunes collègues accèdent au master
(pas nous pour l'instant) pour augmenter l'autonomie de la profession.
Le mot "autonomie" est utilisé 8 fois ; "auxiliaires médicaux" : 1 fois,
et encore, en parlant des autres professions ; "médecin" ou
"prescripteur" : 0. C'est probablement significatif. Page 11, le texte
parle d'une "autonomie professionnelle responsable et assumée en matière
de prévention, de diagnostic orthophonique, de pronostic, de
traitement, d’expertise et d’éducation thérapeutique". Pour y parvenir,
la FNO demandera "une modification de la rédaction de la loi 64-699 du
10 juillet 1964, réglementant la profession d’orthophoniste".
Ces
termes restent suffisamment flous pour laisser une latitude de
négociation au prochain bureau. Est-ce que les caisses et les médecins
nous accorderont cette autonomie accrue, dans leur grande mansuétude ?
Et quelle autonomie ? Suppression de la demande d'accord préalable ?
Suppression du compte rendu de bilan ? Suppression de la prescription,
carrément ? Apparemment, le master des jeunes (en p.24, la FNO vise même
le doctorat) donne des ailes aux futurs dirigeants syndicaux. Des ailes
d'A380, ou des ailes de cire ? Espérons qu'ils ne se transformeront pas
en continuateurs d'Icare, parce qu'ils nous entraîneraient dans leur
noyade.
Le texte déroule d'autres objectifs louables,
comme "fédérer les orthophonistes autour de valeurs communes" ou
"Accompagner l’évolution de la recherche en science clinique
orthophonique en lien avec la pratique de la discipline et
l’évolution de la clinique orthophonique". On ne peut qu'être d'accord
avec ces objectifs louables. Il y manque tout de même "Eradiquer la faim
dans le monde" ;-) Mais il est effectivement possible que le
master permette à la recherche en orthophonie d'évoluer et que la FNO
ait son mot à dire dans ce domaine. Le texte d'orientation contient
aussi tout un passage sur la prévention, voie d'avenir depuis 50 ans.
Plus
concrètement, le futur bureau cherchera à créer une "association
francophone pour une représentation européenne et internationale des
orthophonistes et logopèdes", parallèlement au CPLOL. "Il est nécessaire
de travailler à l’harmonisation des formations et des pratiques au sein
des pays francophones." Une harmonisation des cursus universitaires
serait un progrès. Le numerus clausus français, par exemple, n'a plus
aucune réalité concrète, quand tant de logopèdes français redécouvrent
chaque année les attraits de la Mère-Patrie. Reste à voir si la nouvelle
association fera entrer ce problème précis dans ses prérogatives.
Après
ces huit paragraphes, je vois d'ici certains d'entre vous qui se
rappellent le thème principal de ce blog et commencent à se demander si
je vais finir par évoquer le nerf de la guerre. Malheureusement, l'AMO
est cité une seule fois dans le texte d'orientation ! Dans une
parenthèse, de surcroît... Rassurez-vous, "La FNO accompagnera la mise
en œuvre d’autres modes de rémunération, en particulier dans le champ de
la santé publique, lorsque ceux-ci ne viennent pas se substituer à la
règle générale du paiement à l’acte." Donc le plus important (le tarif
dudit paiement à l'acte) restera un sujet mineur, et réciproquement.
Terminons
avec notre avenir à tous : la CARPIMKO. Dans ce domaine, le texte de la
FNO revendique le maintien d'avantages sociaux comme la retraite à taux
plein à 65 ans, malgré l'allongement de l'espérance de vie ; ou encore
la réduction des pénalités pour ceux qui n'auront pas cotisé assez
longtemps. D'autres prestations inédites seront revendiquées concernant
le régime invalidé-décès. Comment financer tout ceci ? Mystère. Mais ce
n'est pas grave, puisque ce sera "juste et équitable". Comme d'habitude,
il suffira de puiser dans la poche de ceux qui travaillent beaucoup,
puisqu'il est normal qu'ils se montrent solidaires envers ceux qui
gagnent moins. On retrouve là une rhétorique et une terminologie
politiquement connotées, qui ne sont pas sans rappeler le document
d'orientation du 50ème congrès de la CGT. A la FNO comme dans les
syndicats d'inspiration marxiste, un barbier rase gratis (version épicène chère aux influent-e-s FEMEN-e-s de la FNO : un-e esthéticien-ne épile gratis).
Souhaitons
un franc succès à la nouvelle équipe, puique ce serait aussi le nôtre.
Et bon congrès à tous ceux qui s'y rendront cette semaine.