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lundi 25 octobre 2021

Pouvoir d'achat des orthophonistes : où en sommes-nous ?



Le blog Orthogestion a maintenant 13 ans. Le 1er août 2008, mon premier article mettait tout de suite à l'aise : il traitait de la baisse du pouvoir d’achat des orthophonistes depuis 1983, l'année du tournant de la rigueur du président Mitterrand… et donc celle où l’AMO a arrêté de suivre l’inflation.

Aujourd’hui, le pouvoir d’achat redevient la première préoccupation des Français. L’inflation est de retour, dopée par les prix de l’énergie. Le gouvernement se sent même obligé de soutenir une partie de la population avec des boucliers et des virements (avec de l’argent que le pays n’a pas) pour éviter un nouveau saccage de l'Arc de Triomphe.

Bien évidemment, nous n'avons pas droit à ces aides, comme d'habitude. Mais il est temps de regarder où en est notre pouvoir d'achat.

Deux éléments déterminent notre rémunération : l’AMO et les cotations de la nomenclature. Examinons-les tous les deux.

 

Commençons par l’AMO.

En 1983, l’AMO valait 1,75 €. Il est à 2,50 €. Donc il a pris 43 % en 38 ans. Formidable, me direz-vous, nos deux syndicats ont mérité leurs cotisations ! Il y a pourtant un biais dans ce raisonnement : il ne tient pas compte de l'inflation.

1,75 € de 1983 correspondent à 3,66 € de 2021 (source : INSEE), au lieu des 2,50 réels. Pour revenir au pouvoir d’achat de 1983, il faudrait donc une augmentation de 46 % ! Rappelons que la dernière revalorisation n’a apporté que 4 %. C’était il y a 9 ans. 


L’AMO ne fait pas tout : quid de la nomenclature ? 

Quand on parle du gel de l’AMO, il se trouve toujours quelqu’un pour dire que la NGAP a évolué dans le même temps. J’ai longtemps répondu que l’invention de l’AMO 15 avait été accompagnée de l’obligation d’effectuer 45 minutes sur les séances concernées. En taux horaire, l’AMO 15 vaut un AMO 10, alors qu’auparavant la neurologie était cotée en AMO 12. Il est incompréhensible que nous ayons accepté de nous tirer cette balle dans le pied.

Mais passons outre cette histoire de 45 minutes, d’autant que l’avenant 16 a introduit l’ambiguïté avec la durée de "45 minutes ne pouvant être inférieure à 30".

Actuellement, la cotation moyenne est de 12,7 en Normandie (source : le dernier RIA). Si celle de votre région diffère sensiblement, n’hésitez pas à l’écrire en commentaire. Ici, ça met l’acte moyen à 31,75 €.

Je n’ai pas trouvé la cotation moyenne de 1983, mais on peut chercher à l'estimer. Les deux cotations phares étaient l’AMO 10 (langage écrit, voix) et l’AMO 12 (langage oral, bilan, neurologie). Il y avait aussi un peu d’AMO 5 (articulation) et 8 (déglutition).

Si on part sur l’hypothèse d’un AMO moyen à 11 en 1983, l’acte moyen valait 11 x 1,75 = 19,25 €, soit 39,59 € avec l’inflation. Il nous faudrait donc une hausse de 25 % pour retrouver le pouvoir d’achat de 1983.

Si on part sur l’hypothèse d’un AMO moyen à 10 en 1983, l’acte moyen valait 10 x 1,75 = 17,50 €, soit 35,99 € avec l’inflation. Il nous faudrait alors une hausse de 13 % pour retrouver le pouvoir d’achat de 1983.

La réalité doit se trouver entre ces 13 et 25 % qui nous manquent, en sachant que les bilans et les AMO 15 nous prennent plus de temps. Nous travaillons plus pour gagner moins. 

 


Troisième approche : la cata

Une séance de langage écrit valait 17,50 € en 1983, soit 35,99 € avec l’inflation. Elle vaut maintenant 25,25 €. Il faudrait donc une hausse de 43 % pour que ce type de séance retrouve le pouvoir d’achat de 1983 !

On sent que certains types d'actes ont été laissés en déshérence, et notamment celui-ci. Heureusement que Claude Chassagny n’assiste pas à ça. Il ne faut pas se spécialiser dans le langage écrit. Ces 43 % montrent qu’il n’a pas la cote dans les hautes sphères. C’était pourtant l’un des piliers historiques de notre métier.


Heureusement, les négociations ont repris ce mois-ci !

Les négociations conventionnelles ont lieu tous les 5 ans. On se demande pourquoi : l’inflation, c’est tous les ans. Pire : la CARPIMKO n’attend pas 5 ans pour nous asséner +5 ou +6 % sur son régime complémentaire. Son appétit augmente tous les ans. Nous sommes donc décrochés de l’inflation, tout en ayant des charges qui augmentent.

Il est évident que les négociations actuelles entre la FNO et les caisses n’ont aucune chance d’aboutir à une hausse de 20 % ; et que +43 % sur le langage écrit, c’est du rêve. Nos aînés ont vécu un confort que nous ne reverrons pas. Nous devons en faire notre deuil pour ne pas déprimer, ou ressasser le passé

Pendant ce temps, le pouvoir d’achat de la population croît, contrairement à ce qu'on entend souvent :
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-decryptage-eco/emmanuel-macron-est-il-le-president-du-pouvoir-d-achat-comme-le-dit-jean-castex_4799229.html 

Quant à nous, non seulement nous ne reverrons pas 1983, mais notre décrochage va se poursuivre. Il n’y a aucun signe tangible du contraire. Il faut le dire aux jeunes, pour qu’ils n’aient pas le sentiment d’effectuer 5 dures années d’études pour tomber dans un piège.

Les étudiants de l’école de Besançon, par exemple, vivent des situations particulièrement éprouvantes :
https://www.fneo.fr/publication/cdp-besancon-une-situation-alarmante-alterant-la-qualite-de-vie-des-etudiants-en-orthophonie-21-10-21/


Tout ça pour finir dans un piège...

Nuançons, tout de même : ce piège s'avère moins dramatique que si l'AMO était l'alpha et l'oméga de nos revenus. La nomenclature adoucit notre pente descendante. Mais ça fait mal, malgré tout, de voir que nous figurons parmi les perdants du système français alors que nous consacrons notre vie aux autres.

Ne déprimons pas, ne râlons pas, ne lançons pas de pétitions. Tout ça ne sert à rien. Les solutions sont en nous. Nous pouvons explorer trois voies, sans quitter notre beau métier :

  • devenir frugaux ;
  • investir massivement dès le début de la carrière, en travaillant pour ça ;
  • créer une activité secondaire épanouissante, plus rentable, avec des tarifs libres. J’en ai déjà largement parlé dans ma formation en ligne "Contourner le blocage de l’AMO". Les possibilités sont très nombreuses. Je vous en reparlerai dans ma newsletter de jeudi (pour vous abonner c'est ici).

Et sinon, nous pouvons suivre l'exemple de M. Depardieu : devenons russes ! Rien n'est impossible.


7 commentaires:

Anonyme a dit…

AMO moyen 13,06 en région PACA d'après le dernier RIA

Laurence a dit…

AMO moyen en Seine St Denis 13.09 (RIA reçu ce jour).
Pour ajouter une note positive, la majoration enfant de moins de 3 ans est quand même un sacré coup de pouce sur les actes avec les petits

marie brignone a dit…

Très interessant. Merci à vous . Merci aussi pour l'humour.

Anonyme a dit…

Pas mal l'invention de l'économie circulaire : pour compenser la baisse de revenus, ponctionner les autres avec des vidéos en ligne intitulées "formation".

Mélanie BORDEREAUX a dit…

AMO moyen à 12.70 dans la région des Pays de la Loire.

Francois h a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Francois h a dit…

"Ponctionner les autres avec des vidéos en ligne"...Propos inspiré par la rivalité ? Les autres orthos ne sont pas "ponctionnés" parce qu'ils veulent bien acheter les formations. Mais c'est vrai que tout le monde ne va pas vivre avec cela, à un moment, en orthophonie comme dans d'autres branches. La pyramide s'arrête un jour et les formés ne peuvent plus devenir formateurs, parce qu'il y a trop de vidéos et plus assez de public. De plus la formation en ligne s'inscrit de plus en plus dans une économie du gratuit, où le diffuseur a surtout un bénéfice d'image sans revenu direct.

Espérons que chacun trouve le moyen de se débrouiller dans ce monde post-COVID !