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lundi 29 novembre 2021

Grande sécu : le pour et le contre


Dans sa newsletter du 17 novembre 2021, le CNPS parlait d'un avant-projet du Haut comité pour l’avenir de l’assurance maladie, mandaté par M. Véran pour réfléchir aux moyens d'améliorer l'articulation entre la sécu et les complémentaires santé. Les médias en ont beaucoup parlé, avant que le variant Omicron vienne occuper l'ensemble du spectacle journalistique.
 
Quatre scénarios sont évoqués dans le rapport. Mais il s'étend largement sur l'idée d'une "grande sécu", avec une suppression des complémentaires. Fin du ticket modérateur. La sécu prendrait tout en charge, sauf les dépassements d'honoraires.

On sent bien que cette mesure pourrait devenir un axe de campagne pour la majorité actuelle : la grande sécu ressemble à un progrès social. Ce serait le pilier gauche d'un nouvel "en même temps", comme le fut la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des gens pendant la campagne de 2017.

Rien n'est tout blanc, ni tout noir. Examinons donc les avantages et les inconvénients de la grande sécu.

 

Les avantages

  • L'égalité face à la maladie : actuellement, il reste environ 5 % des Français qui n'ont pas de complémentaire (source : ici). On y trouve des Français trop aisés pour avoir droit à la C2S (ex-CMU), mais trop pauvres pour se payer une complémentaire à un tarif de plus en plus exorbitant. Et notamment des personnes âgées, particulièrement impactées par la hausse des tarifs.
  • Une simplification bienvenue :  deux assurances pour le même risque, c'est une de trop.
  • Un allègement de la comptabilité des professionnels de santé qui pratiquent le tiers payant : une seule écriture par facturation, au lieu de deux.
  • Une mutualisation du risque : actuellement, les complémentaires imposent des tarifs très élevés aux personnes âgées parce qu'elles font payer le risque. C'est la logique des assurances, qui s'applique aussi aux jeunes conducteurs par exemple. La sécu, elle, ne regarde que vos revenus du travail et de l'épargne. Elle fait payer les soins des pauvres par les gens aisés. On peut trouver ça injuste quand on est en bonne santé et qu'on travaille beaucoup. Mais quand on est de l'autre côté de la barrière, on savoure ce principe.

 

Les inconvénients


Le rapport dit que la grande sécu coûterait 22 milliards par an. Comment financer cela ? 

  • On peut abaisser  niveau des remboursements. Ce serait piteux. La Grande sécu aurait un goût amer de régression sociale, alors qu'on cherchera à nous la présenter comme un progrès. Dans l'absolu, on peut même abaisser les tarifs conventionnels. Mais personne n'en parle pour l'instant. Cela fait longtemps que j'écris qu'on a de la chance que l'AMO, l'AMI ou l'AMK ne baissent pas...
  • On peut taxer les entreprises, comme le souhaite inlassablement une partie extrémiste de l'échiquier politique (voir cet article par exemple). Cela fait fi de la compétitivité du pays, largement entamée depuis la fin des Trente Glorieuses par un dogmatisme aveugle. Les autres pays d'Europe et du monde continueront à avancer pendant qu'on alourdira encore un peu plus les semelles de plomb de nos entreprises. Elle ressemblent déjà plus à des scaphandriers qu'à des marathoniens. Les bénéfices ne sont pas forcément créés pour être immédiatement spoliés.
  • La sécu peut s'endetter.  Perspective inquiétante pour nos enfants, à qui nous emprunterions cette somme. Mais ce point ne peut arrêter aucun de nos dirigeants dépensiers : la BCE nous couvre bien gentiment depuis l'an dernier. Depuis 40 ans, pour tout politicien français, la devise est : "Je dépense donc je suis". De toute manière, les rares hérétiques ne sont pas élus. On a les dirigeants qu'on mérite.
  • Et enfin, on peut faire comme d'habitude : s'en prendre aux gens aisés, au nom de l'équité et de la solidarité. Des totems si pratiques. Par exemple, on peut transformer la CSG en impôt progressif, comme c'est déjà le cas de notre cotisation aux allocations familiales. Cette idée flotte dans les esprits depuis de longues années : elle figurait déjà dans les projets de la majorité élue en 2012. Gageons que nous, les auxiliaires médicaux, figurerons parmi les cibles, puisque nous nous situons au-dessus du revenu médian (1940 € nets). Notre pays n'a pas conscience d'être déjà le plus redistributif de l'OCDE, on trouve toujours des gens prompts à crier à l'inégalité.

Autre inconvénient : la grande sécu met en danger 100 000 emplois, parmi les salariés des complémentaires (voir ici). Ils ont effectivement de quoi s'inquiéter. Mais quand le rouleau compresseur du progrès social est lancé, personne ne plaint les victimes. les œillères se ferment.

On trouvera d'autres victimes parmi ceux qui préfèrent s'auto-assurer grâce à l'épargne : ces hétérodoxes libres n'existent pas dans l'espace politico-médiatique.

On l'a bien vu cette année, avec la mise en place d'une nouvelle assurance prévoyance obligatoire. Les auto-assurés n'ont rien pu dire, rien pu faire. On les a contraints à passer sous les fourches caudines d'une 14ème cotisation sociale qu'ils n'avaient jamais demandée.

Enfin, les spécialistes des inégalités trouveront anormal que les dépassements d'honoraires restent autorisés et que la grande sécu ne les rembourse pas, alors que les complémentaires actuelles les remboursent partiellement. Ils crieront à la médecine à deux vitesses.


En conclusion

Les quatre avantages pèsent lourd. La mutualisation du risque pourrait devenir un gros argument électoral, parce que les personnes âgées votent plus que le reste de la population. Le retour de la réforme des retraites leur fera aussi plaisir, soit dit en passant : elles étaient la seule catégorie de Français à la soutenir, parce qu'elle leur garantissait la pérennité de leurs pensions. 

 

Reste à savoir si les inconvénients de la grande sécu pèseront plus lourd que les avantages. Les gens aisés et les auto-assurés n'ont aucun poids : toutes les majorités s'en prennent à eux. Mais peut-être que le lobbying des assurances fonctionnera... Si tel est le cas, on aura juste amusé la population avec un hochet, le temps de capter des voix.

Affaire à suivre. Mais si nos syndicats entérinent cette réforme comme ils ont admis celle des retraites, nous aurons du souci à nous faire, en tant que "gens aisés".

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