Mes premiers souvenirs de privatisation remontent à 1986. A cette époque, la droite cherchait à revendre ce que la gauche avait acheté cinq ans plus tôt. Il y a eu une grande vague de privatisations que j'ai regardé passer avec envie, d'autant que j'étais complètement pour ces privatisations et que j'aurais voulu participer à ce grand élan libéral qui était en train de créer un actionnariat populaire. Mais j'avais 16 ans et mes parents n'étaient pas du genre à offrir des actions à leurs enfants pour les former à la bourse. En même temps, ils n'étaient pas les seuls.
La privatisation de la Française des jeux, c'est donc une sorte de madeleine de Proust, pour moi. D'emblée, je serais plutôt enclin à prendre ce train de privatisation, maintenant que je peux le faire. Mais faut-il manger toutes les madeleines qui passent à portée de main ?
Je ne suis ni gérant de fonds, ni investisseur professionnel, bien sûr. Alors je suis allé prendre les avis des gérants. Je vais partager avec vous ce que j'ai glané. Autant faire circuler les infos, les regrouper et vous les transmettre, si vous vous tâtez sur la Française des jeux.
Évidemment, je pars du principe que vous ne considérez pas que devenir actionnaire revient à se transformer immédiatement en Belzébuth. Je sais que c'est une opinion courante en France, mais si c'est la vôtre, vous pouvez arrêter de lire cet article. D'ailleurs, il y a probablement peu de chances pour que vous ayez commencé et je parle dans le vide !
Alors commençons par les arguments positifs que j'ai glanés.
- L'Etat fait ce qu'il faut pour nous attirer, avec un système de bonus très intéressant. Une action offerte pour 10 achetées, si ces actions sont conservées 18 mois.
- Les Français jouent beaucoup, on ne voit pas pourquoi ils arrêteraient.
- L'Etat empêchera l'entreprise de faire n'importe quoi parce qu'il gardera une minorité de blocage et parce qu'il continuera à empocher beaucoup de taxes sur les jeux (le jeu, c'est un impôt volontaire qui marche bien, comme le tabac).
- Même si le cours baisse, la société distribuera beaucoup de dividendes à ses actionnaires : 80 % du résultat net sera distribué dès 2020. C'est beaucoup. C'est en partie dû au fait que c'est une entreprise ancienne, qui n'a pas besoin d'investissements colossaux pour se développer. Et aussi au fait que l'Etat aime percevoir des dividendes des sociétés qu'il détient. Parfois, il les pousse même à emprunter pour lui verser son dividende !
- Donc au total c'est évidemment un placement moins sûr que le livret A, mais parmi les actions en bourse, ça reste un placement de père de famille. Une valeur de rendement, plus qu'une valeur spéculative.
Le négatif, maintenant.
- Le cours de l'action peut quand même plonger, on ne sait pas comment la bourse va accueillir cette privatisation. Certaines privatisations ont été des ratages. Si ça arrive, il faudra s'accrocher au dividende et espérer qu'il soit régulier.
- Les actions américaines sont sur des sommets, elles ont commencé à digérer la crise dès 2009. Les Etats-Unis vivent l'un des cycles économiques les plus longs de leur histoire, donc il est quand même plus probable qu'ils soient plus près de la prochaine récession que de la précédente. Et dès que les USA tousseront, les bourses européennes s'enrhumeront. Est-ce le bon moment pour invertir en bourse, dans ces conditions ?
- On n'a pas encore le cours d'achat définitif. On n'a qu'une fourchette : 16,50 à 19,90 €. Il faudra en prendre pour 200 € au minimum. Acheter quelque chose sans savoir le prix, c'est un peu aventureux.
- L'Etat conserve une minorité de blocage : j'ai dit que c'était une sorte de garantie parce que je l'ai lu, mais j'ai aussi lu et entendu que c'était une raison de ne pas acheter. L'Etat est un mauvais actionnaire. Il l'a souvent démontré. C'est logique, puisque c'est aussi un mauvais gestionnaire. Comment faire confiance à l'Etat français en tant que paravent, alors qu'il est l'un des plus mal gérés de l'OCDE ?
- Espérer gagner de l'argent sur le jeu, c'est peu éthique.
- Espérer gagner de l'argent sur un impôt volontaire, c'est encore moins éthique (là c'est une remarque personnelle).
Vous l'aurez compris : je passe mon tour, comme en 1986. Mais pas pour les mêmes raisons. A vous de peser le pour et le contre, maintenant !
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