En
théorie.
Vous
le constatez tous les jours : cette indépendance est toute
relative. Il ne faut pas oublier que la France est une
administrocratie. Ça
date au moins de l’époque de Colbert. L’apparition de
l’orthophonie ne pouvait se faire que dans ce cadre réglementaire
tatillon, dont je vais vous donner un exemple aujourd’hui.
En
2003, la FNO et les caisses ont signé un avenant à la convention
qui instituait un suivi individuel de notre activité. Une liste de
six critères a été établie pour tenter de repérer les
orthophonistes déviants. Si deux signaux passaient au rouge,
l’activité du suspect était placée sous microscope. L’ensemble de
la procédure pouvait déboucher sur un déconventionnement.
En
2017, le suivi individuel
a été légèrement remanié
dans l’avenant 16.
Si vous voulez lire le texte
officiel, c’est ici (page 53) :
Mais
si vous voulez vous épargner cette lecture, je vous la résume.
Tous
les 6 mois, votre CPAM analyse
votre activité du semestre précédent,
toutes caisses confondues. Il n’y a plus que 4 critères étudiés
dans le cadre de ce suivi (contre six à l’origine) :
- Un nombre d’AMO supérieur à 46 975 (nombre de 2020). C’est réévalué de +3,2 % tous les ans.
- Nombre de patients différents par orthophoniste dépassant la moyenne départementale + 2 écarts-types.
- Nombre de patients différents par orthophoniste inférieur à la moyenne départementale - 2 écarts-types.
- Nombre d’actes par patient dépassant la moyenne départementale + 2 écarts-types.
L’avenant
16 dit que nos relevés individuels d’activité (RIA) sont la base
de cette analyse. Mais vous allez rire :
Il nous
est impossible de savoir si nous
sommes déviants !
Et
ce, pour trois
raisons :
- Le RIA ne fournit pas les écarts-types, mais des quartiles, sous forme d’étoiles.
- Il donne les référentiels régionaux, et non départementaux.
En résumé, vous savez vaguement si vous sortez des clous ou pas. Mais vous n’avez pas accès aux données qui risquent d’allumer tel ou tel clignotant sur les ordinateurs de la CPAM.
Il
est donc possible qu’une enquête médico-administrative ait été
menée sur vous, sans que vous le sachiez. Vous me direz, autant
l’ignorer, c’est mieux pour vos
artères.
Il
est même possible que la CPAM ait transmis votre dossier à la
commission paritaire départementale (CPD). Mais jusque là, votre nom n'a pas été révélé.
C’est la CPD qui décide éventuellement de lever l'anonymat. Si cela arrive un jour, ce sera à ce moment que la CPAM vous préviendra.
C’est la CPD qui décide éventuellement de lever l'anonymat. Si cela arrive un jour, ce sera à ce moment que la CPAM vous préviendra.
Vous
aurez alors un mois pour demander à parler
devant la section professionnelle
(des représentants de la FNO) et/ou la commission paritaire
départementale (caisses + FNO).
La
commission paritaire, elle, aura 45 jours pour décider si elle vous
déconventionne pendant 1, 3, 6, 9 ou 12 mois. Vous pourrez aussi
perdre la participation des caisses à vos charges sociales, mais
c’est anecdotique à côté de la catastrophe et de la honte
publique que représentera un déconventionnement.
Un mot sur
le critère le plus marquant : celui des 46 975 AMO.
Il
est évident que très peu d’entre nous dépassent ce chiffre. Mais
que représente-t-il, en fait, et est-il hors d’atteinte ?
Faisons
un bref calcul.
Dans la plus belle région de France (la Normandie, bien sûr), l’AMO
moyen est de 12,7. Ca varie assez peu d'une région à l'autre. Le critère des 46975 AMO représente donc 3699
actes, par ici. En imaginant 45 semaines de
travail par an (environ 5 semaines de congés et les jours fériés),
on arrive à 82 actes par semaine.
C’est
évidemment beaucoup. Mais ce n’est pas hors d’atteinte, surtout
quand on a un faible absentéisme.
Il est donc possible de faire passer ce clignotant au rouge.
Fort
heureusement, il en faut un autre pour faire lever une oreille à la
CPAM. Et quand bien même, si tout peut s’expliquer, elle vous
laissera probablement tranquille.
Ce
suivi peut être vu comme un flicage, évidemment. Mais dans les
faits, connaissez-vous beaucoup d’orthophonistes ayant subi une
procédure allant jusqu’au déconventionnement, à cause de leur
suivi individuel ?
Au
total, on peut même se demander si la FNO n’a pas laissé
intelligemment un os à ronger aux caisses. Elles peuvent ainsi
proclamer qu’elles gèrent sérieusement les deniers des cotisants.
Quant
à nous, tant que nous travaillons honnêtement en respectant la
convention et la nomenclature, je pense que nous pouvons dormir
tranquilles.
5 commentaires:
Il y a il me semble un autre indicateur qui fait tilter; ce sont les indemnités de déplacement.
Ah ? Ce n'est pas dans la liste de l'avenant 16.
J'imagine que vous avez vu cet article, portant pile sur votre sujet:
http://orthophonie.club/le-controle-des-liberales-la-commission-paritaire-departementale/
Ah non, je n'avais pas vu, merci pour ces témoignages et les deux liens de la fin.
En fait, avec cet article, j'ai voulu mettre à jour celui que j'avais écrit il y a 12 ans :
https://orthogestion.blogspot.com/2008/11/40-000-amo-maxi.html
Si ce stakhanovisme ou cet enthousiasme pour rendre un service public ne se faisait pas avec les deniers de l état il y aurait moins de soucis. On peut vendre des assurances jusqu'à l'épuisement. Les salariés même talentueux ne peuvent pas faire tout ce qu ils veulent non plus, sous peine de mettre en danger l entreprise et les usagers. Donc une solution, on plafonne et puis fin de la discussion
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