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mardi 30 juin 2020

Suivi individuel : serez-vous déconventionné(e) ?



Les orthophonistes libéraux sont des travailleurs indépendants.

En théorie.

Vous le constatez tous les jours : cette indépendance est toute relative. Il ne faut pas oublier que la France est une administrocratie. Ça date au moins de l’époque de Colbert. L’apparition de l’orthophonie ne pouvait se faire que dans ce cadre réglementaire tatillon, dont je vais vous donner un exemple aujourd’hui.

En 2003, la FNO et les caisses ont signé un avenant à la convention qui instituait un suivi individuel de notre activité. Une liste de six critères a été établie pour tenter de repérer les orthophonistes déviants. Si deux signaux passaient au rouge, l’activité du suspect était placée sous microscope. L’ensemble de la procédure pouvait déboucher sur un déconventionnement.

En 2017, le suivi individuel a été légèrement remanié dans l’avenant 16. Si vous voulez lire le texte officiel, c’est ici (page 53) :



Mais si vous voulez vous épargner cette lecture, je vous la résume.

Tous les 6 mois, votre CPAM analyse votre activité du semestre précédent, toutes caisses confondues. Il n’y a plus que 4 critères étudiés dans le cadre de ce suivi (contre six à l’origine) :
  • Un nombre d’AMO supérieur à 46 975 (nombre de 2020). C’est réévalué de +3,2 % tous les ans.
  • Nombre de patients différents par orthophoniste dépassant la moyenne départementale + 2 écarts-types.
  • Nombre de patients différents par orthophoniste inférieur à la moyenne départementale - 2 écarts-types.
  • Nombre d’actes par patient dépassant la moyenne départementale + 2 écarts-types.

L’avenant 16 dit que nos relevés individuels d’activité (RIA) sont la base de cette analyse. Mais vous allez rire :

Il nous est impossible de savoir si nous sommes déviants !




Et ce, pour trois raisons :
  • Le RIA ne fournit pas les écarts-types, mais des quartiles, sous forme d’étoiles.
  • Il donne les référentiels régionaux, et non départementaux.

  • Le nombre de patients n’est pas affiché en clair. Si je divise mon nombre d’actes remboursés en volume par le nombre d’actes remboursés par patient, j’arrive à 126 patients. Mais comment savoir si c’est beaucoup, ou peu, pour la CPAM du coin ?


En résumé, vous savez vaguement si vous sortez des clous ou pas. Mais vous n’avez pas accès aux données qui risquent d’allumer tel ou tel clignotant sur les ordinateurs de la CPAM.

Il est donc possible qu’une enquête médico-administrative ait été menée sur vous, sans que vous le sachiez. Vous me direz, autant l’ignorer, c’est mieux pour vos artères.

Il est même possible que la CPAM ait transmis votre dossier à la commission paritaire départementale (CPD). Mais jusque là, votre nom n'a pas été révélé. 

C’est la CPD qui décide éventuellement de lever l'anonymat. Si cela arrive un jour, ce sera à ce moment que la CPAM vous préviendra.

Vous aurez alors un mois pour demander à parler devant la section professionnelle (des représentants de la FNO) et/ou la commission paritaire départementale (caisses + FNO).

La commission paritaire, elle, aura 45 jours pour décider si elle vous déconventionne pendant 1, 3, 6, 9 ou 12 mois. Vous pourrez aussi perdre la participation des caisses à vos charges sociales, mais c’est anecdotique à côté de la catastrophe et de la honte publique que représentera un déconventionnement.

Un mot sur le critère le plus marquant : celui des 46 975 AMO.



Il est évident que très peu d’entre nous dépassent ce chiffre. Mais que représente-t-il, en fait, et est-il hors d’atteinte ?

Faisons un bref calcul.

Dans la plus belle région de France (la Normandie, bien sûr), l’AMO moyen est de 12,7. Ca varie assez peu d'une région à l'autre. Le critère des 46975 AMO représente donc 3699 actes, par ici. En imaginant 45 semaines de travail par an (environ 5 semaines de congés et les jours fériés), on arrive à 82 actes par semaine.

C’est évidemment beaucoup. Mais ce n’est pas hors d’atteinte, surtout quand on a un faible absentéisme. Il est donc possible de faire passer ce clignotant au rouge.

Fort heureusement, il en faut un autre pour faire lever une oreille à la CPAM. Et quand bien même, si tout peut s’expliquer, elle vous laissera probablement tranquille.

Ce suivi peut être vu comme un flicage, évidemment. Mais dans les faits, connaissez-vous beaucoup d’orthophonistes ayant subi une procédure allant jusqu’au déconventionnement, à cause de leur suivi individuel ?

Au total, on peut même se demander si la FNO n’a pas laissé intelligemment un os à ronger aux caisses. Elles peuvent ainsi proclamer qu’elles gèrent sérieusement les deniers des cotisants.

Quant à nous, tant que nous travaillons honnêtement en respectant la convention et la nomenclature, je pense que nous pouvons dormir tranquilles.


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a il me semble un autre indicateur qui fait tilter; ce sont les indemnités de déplacement.

Guillaume a dit…

Ah ? Ce n'est pas dans la liste de l'avenant 16.

Anonyme a dit…

J'imagine que vous avez vu cet article, portant pile sur votre sujet:
http://orthophonie.club/le-controle-des-liberales-la-commission-paritaire-departementale/

Guillaume a dit…

Ah non, je n'avais pas vu, merci pour ces témoignages et les deux liens de la fin.

En fait, avec cet article, j'ai voulu mettre à jour celui que j'avais écrit il y a 12 ans :
https://orthogestion.blogspot.com/2008/11/40-000-amo-maxi.html

Francois h a dit…

Si ce stakhanovisme ou cet enthousiasme pour rendre un service public ne se faisait pas avec les deniers de l état il y aurait moins de soucis. On peut vendre des assurances jusqu'à l'épuisement. Les salariés même talentueux ne peuvent pas faire tout ce qu ils veulent non plus, sous peine de mettre en danger l entreprise et les usagers. Donc une solution, on plafonne et puis fin de la discussion